Samedi 05 juillet 2025 9 Mouharram 1447

Tous les articles par Farouk

Sarko le Libyen

 

 

Sarkozy en garde à vue, Sarkozy soupçonné, Sarkozy accusé. La routine, quoi… En butte à trois procédures judiciaires, dont ce dossier libyen qui lui vaut le désagrément d’une garde à vue, l’ancien président dénoncera bien sûr le «complot judiciaire et médiatique» et ses affidés la main du gouvernement qui chercherait à faire diversion (on ne rit pas…), comme s’il commandait aux enquêteurs et aux juges. En fait, la justice s’interroge sur des éléments troublants, à défaut d’être probants, pour l’instant en tout cas : des documents compromettants, des accusations proférées par une escouade d’intermédiaires douteux – ce qui ne veut pas forcément dire qu’ils mentent – des confessions pleines de ressentiment d’anciens dignitaires du régime Kadhafi. Sarkozy est présumé innocent, comme toujours, mais il doit dissiper des soupçons légitimes. Compte tenu des éléments aujourd’hui connus, qui ne sont pas de simples rumeurs, il peut réussir ou échouer, se blanchir ou bien tomber. Voilà la situation d’aujourd’hui.

Ce qui appelle quelques considérations. Dans cette affaire, comme dans l’affaire Cahuzac, c’est l’opiniâtreté de Mediapart, suivi par une partie de la presse, dont Libé, qui explique l’infortune de l’ancien président dans l’affaire libyenne. Voilà qui ridiculise, s’il en était besoin, la thèse selon laquelle il y aurait un «parti médiatique» au service d’une «oligarchie», prisée à l’extrême droite ou à l’extrême gauche, chez les populistes en général. Les journalistes dénoncent les turpitudes des puissants, souvent avec efficacité. C’est leur devoir et aussi leur intérêt (ils y gagnent l’adhésion de leurs lecteurs). Pourtant idéologues et démagogues continuent de dénoncer «la pensée unique» soi-disant en vigueur dans la presse, la «connivence» qui relierait les médias et la classe politique ou capitalistique. Alors qu’élus indélicats ou PDG fautifs doivent en permanence redouter le travail de la presse. Allez comprendre…

Dans cette affaire, aussi bien, comme dans tant d’autres, c’est le fonctionnement de la démocratie qui est en cause. Chacun sait que c’est un régime humain et donc imparfait. On en brosse souvent un tableau horrifique, en dénonçant le pouvoir de la classe dirigeante, des multinationales, des puissants en général, qui viendrait miner, pervertir, annuler au bout du compte, les institutions chargées de lutter contre la corruption et d’assurer le respect des lois, y compris par «ceux d’en haut». La démocratie serait un leurre, une tromperie, un décor de Potemkine, qui cacherait la subreptice puissance des tireurs de ficelles de la classe dominante. Vaste blague… Si Nicolas Sarkozy, ancien président, leader de la droite, agent supposé de la bourgeoisie, est aujourd’hui dans le collimateur des magistrats, à ses cruels dépens, c’est bien que la police enquête, que les juges font leur travail, que la presse en rend compte et que les lois s’appliquent. Autrement dit que le pluralisme des pouvoirs – et non l’unicité d’un pouvoir omnipotent – est bien à l’œuvre. Les populistes dénigrent jour et nuit la démocratie. Ce n’est pas pour en corriger les défauts. C’est parce qu’ils ne l’aiment pas.

Et aussi
• Les militants de La France insoumise se répandent en insultes sur Twitter parce que j’ai osé qualifier Alexis Corbière de «cachetonneur de campagne électorale». C’est pourtant un fait qu’il a été rémunéré pour aller défendre les idées de son candidat sur les plateaux de télévision. Ce n’est pas illégal, au demeurant. L’amusant de l’affaire, c’est qu’il a été payé de cette manière parce qu’il avait choisi, apparemment sur les conseils de son parti, le statut d’auto-entrepreneur, pour des raisons de commodité et de moindre cotisation sociale. Un statut pour lequel Mélenchon n’avait pas de mots assez durs pendant la même campagne. Faites ce que je dis, pas ce que je fais.

En 2021, Eni réduira sa production pétrolière en Libye

 

Dans son plan de développement pour 2018-2021, présenté la semaine dernière, le groupe pétrolier italien Eni a prévu qu’il réduira de 320 000 b/j aujourd’hui, à 200 000 b/j sa production pétrolière en Libye.

La compagnie ne quittera pas le pays, souligne Claudio Desclazi, son PDG. Cependant, en Afrique du Nord, Eni qui contrôle 39% des activités en amont, ne contrôlera plus que 31% en 2021. Il revient donc à la société publique nationale du pétrole (NOC) d’accélérer la mise en œuvre de sa politique pour attirer les investisseurs afin de combler ce gap et atteindre les niveaux de production d’avant la crise, soit 1,6 million b/j.

Depuis les huit dernières années, Eni a maintenu sa production d’or noir en Libye à un rythme élevé, mais pendant cette période, il n’a pas été possible de lancer de nouveaux projets. Or, la nouvelle stratégie se focalise sur la croissance de la production de pétrole et surtout de gaz. L’entreprise prévoit, d’ailleurs, que sa production totale de pétrole et de gaz augmentera de 3,5% par an, d’ici 2021, grâce à la montée en puissance et à la mise en service de nouveaux projets, comme c’est le cas en Egypte.

En outre, les analystes pensent que la production pétrolière libyenne demeurera instable alors que les risques de conflits et de blocages des installations de production persistent. Même si le pays a réussi à maintenir sa production au-delà du million de barils par jour, depuis les deux derniers mois, et accroître ses exportations.

Eni opère en Libye depuis 1959 et ses activités d’exploration et de production dans le pays sont réglementées par six contrats d’exploration et de partage de production. Les licences d’Eni en Libye expirent respectivement en 2042 et 2047, pour le pétrole et le gaz. En 2016, la production d’Eni en Libye atteignait en moyenne 346 000 b/j, le niveau le plus élevé depuis le début des conflits.

Fabrice Arfi sur Nicolas Sarkozy et les « liens secrets » avec Mouammar Kadhafi

 

« Nous sommes face à la plus grave affaire de la Vème République ».
Fabrice Arfi a enquêté pendant 6 ans sur le financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 et les liens de l’ex-président avec Mouammar Kadhafi. Il raconte

«Le pouvoir et les médias français ont menti sur la guerre en Libye»

 

Dans son dernier essai, Guerres humanitaires ? Mensonges et intox, Rony Brauman, ancien président de l’organisation médicale Médecins Sans frontières (MSF) (section française) de 1982 à 1994, est revenu sur les nombreuses guerres menées au nom du sacro-saint principe de l’humanitaire.

Lors d’un débat organisé au siège de l’ONG à Paris la semaine dernière, l’auteur de Médias et humanitaires : étude de l’information ou charité spectacle (1995) et de nombreux autres livres liés à la problématique humanitaire, Rony Brauman s’est notamment intéressé à trois guerres qui, selon lui, ont été menées pour soi-disant protéger les populations civiles des exactions qui pouvaient être commises par les régimes en place ou pour éviter que des conflits ethniques n’éclatent entre les populations d’un même pays.

Il a cité la guerre civile en Somalie en 1991 et l’intervention, sans grands résultats, de l’armée américaine. La guerre menée par l’OTAN contre la Serbie en 1995, au cœur de l’Europe, et la guerre en Libye en 2011, menée par une coalition internationale, dont la France était la tête de pont. Et c’est la guerre en Libye, décidée par Nicolas Sarkozy, qui a marqué Rony Brauman. Il la compare d’ailleurs à la guerre menée par George Bush contre Saddam Hussein en 2003. «La guerre de Libye fut notre Irak à nous», a-t-il expliqué devant un parterre d’humanitaires et de journalistes.

Rony Brauman a pointé les mensonges et les contrevérités qui furent utilisés en vue de rallier la communauté internationale à cette entreprise meurtrière qui a fini par faire tomber le régime d’El Gueddafi. «Ce qui m’a frappé lors de cette guerre, c’est que non seulement le pouvoir français a menti, mais que les médias et les intellectuels, à quelques exceptions près bien entendu, ont été comme de caisses de résonance. Ils se sont montrés très enthousiastes et compréhensifs à l’égard de cette guerre, au point de la soutenir d’une manière inconditionnelle.»

Comme ce fut le cas lors de la guerre d’Irak, où des journalistes de la chaîne CNN ont été embarqués dans les blindés de l’armée américaine, Rony Brauman a aussi critiqué le manque de professionnalisme «de certains médias français». «Ces derniers décrivaient des colonnes de chars appartenant au régime d’alors faisant route vers Benghazi, mais aucun n’a pu fournir la moindre image ni la moindre preuve, ou pris par exemple la peine d’examiner la véracité de ce qui se disait pour justifier cette attaque.»

La guerre contre la Libye, une «erreur» selon Macron

Pour Rony Brauman, la guerre d’Irak et celle de Libye ont un point commun. Elles ont été menées sur la base de mensonges d’Etat. L’autre point commun est la catastrophe humanitaire qu’elles ont engendrée avec la mort de plusieurs milliers de civils et la destruction des infrastructures. Pour l’ancien président de MSF, si les Etats-Unis ont attaqué l’Irak sous prétexte que le régime de Saddam possédait des armes chimiques, c’est l’excuse de pilonnage de civils à Benghazi qui a été utilisée par la France. On se souvient d’ailleurs que l’Assemblée nationale française avait voté à l’unanimité pour cette guerre.

Même le parti socialiste s’est rallié derrière Nicolas Sarkozy, alors président de la France. Même François Hollande n’a pas changé sa position, bien au contraire il a fait lui aussi sa «guerre» au Mali et en Centrafrique. «Aucune inflexion politique sur cette guerre (Libye, ndlr) n’a eu lieu qui aurait pu donner lieu à une inflexion médiatique», a assuré Rony Brauman au site Middle East Eyes, avant de noter au passage que Macron, lui, avait considéré la guerre en Libye comme étant «une erreur».

Dans le dossier libyen, il est utile de rappeler que plusieurs hommes politiques français de premier rang avaient été financés par le régime libyen lors de l’élection présidentielle de 2007. Le site MédiaPart avait même publié des preuves impliquant certains d’entre eux, dans ce qu’on peut appeler aujourd’hui le «Libyagate».

Alors que la Libye se trouve plus que jamais divisée avec un gouvernement à Tripoli et un autre Tobrouk, et le peuple libyen empêtré dans crise politique et économique sans précédent, les pays occidentaux, à leur tête la France qui était d’ailleurs à l’origine de la guerre, ne veulent pas remettre en cause leur choix qui a consisté à faire tomber le régime d’El Gueddafi sans rien prévoir pour l’après.

Table ronde sur l’enseignement en Libye

 

Invitation

Le Centre Maghrébin d’études sur la Libye a le plaisir de vous inviter à participer à la table ronde qu’il organise les 10 et 11 mars 2018 à l’hôtel Majestic à Tunis, autour de la réforme de l’enseignement en Libye, à la lumière d’une vaste enquête effectuée récemment par le centre de planification au ministère libyen de l’économie. Prendront part à cette table ronde des universitaires, chercheurs et éducateurs. La séance d’ouverture démarrera à 09.00 le samedi 10 Mars.

L’arabe est la langue de travail de la workshop

Total rachète Marathon Oil Libya et gagne 50 000 barils de pétrole

 

Total annonce, vendredi 2 mars 2018, l’acquisition de la société Marathon Oil Libya Limited, filiale de l’Américain Marathon Oil. Au delà de cette transaction de 450 M$ (365 M€), ce rachat ouvre l’accès au groupe pétrolier français des concessions de Waha en Libye détenue à 16,33% par Marathon Oil Libya.

Un communiqué publié par le groupe évoque « l’accès à des réserves et ressources de plus de 500 millions de barils équivalent pétrole, à une quote-part de production immédiate d’environ 50 000 barils équivalent pétrole par jour (bep/j) ainsi qu’à un potentiel d’exploration important sur la zone des concessions répartie sur plus de 53 000 km² dans le bassin prolifique de Syrte ».

Exploitées à 100% par la Noc (la compagnie nationale libyenne du pétrole), les concessions de Waha produisent actuellement environ 300 000 barils jour mais la production pourrait passer à 400 000 bep/j d’ici à la prochaine décennie grâce à une remise en état des installations existantes et la reprise des forages de développement. Les concessions de Waha sont désormais détenues à 59,18% par la NOC, 16,33% par Total et 8,16% par l’Américain Hess Corporation.

Présent depuis 1954 en Libye, Total a produit dans ce pays 31 500 bep/j en 2017 issus des blocs en mer d’Al Jurf (détenu par le Français à 37,5%) et de la zone d’El Sharara (deux blocs terrestres détenus à respectivement 15 et 12%).

Libye: 6 six civils tués dans des heurts tribaux

 

Au moins six civils ont été tués et une dizaine blessés depuis début février dans des affrontements entre tribus rivales dans le sud de la Libye, ont indiqué jeudi l’ONU et une source hospitalière.

Les incidents se sont déroulés à Sebha, une ville à plus de 600 kilomètres au sud de Tripoli qui est régulièrement le théâtre de heurts meurtriers entre des tribus rivales. « Six personnes ont été tuées dans les affrontements depuis le début du mois » de février, a indiqué jeudi à l’AFP Oussama al-Wafi, porte-parole de l’hôpital de Sebha. « Il s’agit de civils, dont une fille de 15 ans et une femme de 35 ans », a-t-il précisé.

Douze autres personnes, dont dix civils, ont été blessées. Deux femmes ont notamment été blessés quand l’hôpital a été touché par des tirs, a-t-il ajouté. Les combats opposent la tribu arabe d’Awlad Suleiman aux Toubous, à la peau noire, qui vivent à cheval sur la Libye, le nord du Tchad et du Niger. Les Toubous, principalement basée à Sebha et Koufra, dans l’extrême sud-est de la Libye, sont accusés par leurs rivaux de compter dans leurs rangs des combattants étrangers, notamment tchadiens.

La mission de l’ONU en Libye (Manul) a confirmé le bilan de six morts et a exprimé sur son compte Twitter sa « profonde inquiétude » face à cette « escalade armée à Sebha (…) où l’hôpital de la ville a été touché à plusieurs reprises ». « Le recours aux armes dans des zones densément peuplées doit cesser », a souligné la Manul. La ville de Sebha est située dans la vaste région marginalisée du Fezzan, carrefour de tous les trafics avec une mosaïque de forces tribales et groupes ethniques en lutte pour le contrôle de la contrebande et des champs pétroliers.

La Libye est déchirée par des luttes de pouvoir et en proie à une insécurité chronique depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Elle est dirigée par deux autorités rivales. A Tripoli, le gouvernement d’union nationale (GNA) soutenu par la communauté internationale et un cabinet parallèle installé dans l’est du pays et soutenu par le maréchal Khalifa Haftar.

L’espoir qui reste à la Libye en crise

 

Tandis que les agents des Nations unies n’ont pas réussi leur mission de faire sortir la Libye de la crise, il reste encore un espoir pour le peuple libyen. La conférence libyenne prévue pour début 2018 pourra contribuer à la stabilité dans le pays, estime dans un entretien à Sputnik Muhammed al-Abbani, responsable de sa tenue.

«Nous avons collectivement plongé la

Six envoyés de l’Onu pour la Libye ont échoué dans leur mission ces derniers sept années et ils n’ont pas contribué à la stabilisation dans le pays, a déclaré à le responsable de l’organisation de la conférence libyenne, Muhammed al-Abbani.
«Ils [les envoyés] ne connaissent pas les particularités de la société libyenne et ont commis bien des erreurs. Par exemple, ils ne sont pas adressés au peuple, ce qui était nécessaire en premier lieu lorsqu’on prend des décisions sur la Libye. Peut-être que cela a été fait exprès pour plonger le pays dans l’état où il demeure aujourd’hui? Ne s’agit-il pas d’un complot contre la Libye?», a affirmé à Sputnik M.Abbani, ajoutant qu’on a déjà vu ce que les Nations unies ont fait en Palestine, en Irak, au Yémen et en Syrie.

Tandis que le potentiel des accords de Skhirat est «épuisé», c’est la conférence libyenne qui devra jouer un rôle important dans le processus de paix. Les principales forces politiques et institutions s’apprêtent à prendre part à l’événement prévu pour la première partie de 2018.

«La conférence est destinée à unir tous les Libyens. L’équipe de l’organisation a mis en place des rencontres dans presque toutes les villes du pays avec des membres des syndicats, des organisations civiles et politiques, afin de prendre en compte tous les points de vue. Sur cette base, seront formulés les principes de la conférence à venir», a-t-il souligné.

A l’heure actuelle, les décisions sont prises par ceux qui possèdent les armes et le pouvoir, a poursuivi M.Abbani:

«Notre pays est envahi par un grand nombre de groupes armés qui ont leurs propres buts, par exemple, Daech et d’autres groupes islamistes qui déforment l’islam. Il y a ceux qui exécutent les ordres de ceux qui les financent, ce sont les plus dangereux.»

«Plan B» de renverser Kadhafi: liens entre l’ex-dirigeant libyen et le renseignement UK?

Dans l’ouest de la Libye, les extrémistes sont soutenus par la Turquie, le Qatar, l’Italie, dans l’est du pays par l’Égypte, les Émirats arabes unis, dans le sud par la France, a-t-il précisé. C’est ainsi que toute implication étrangère «aggrave la situation dans le pays et donc nous sommes opposés à cela», a résumé M.Abbani.
La Libye a sombré dans le chaos après la mort de Mouammar Kadhafi. Ce pays est à présent dirigé par deux autorités. Un parlement élu par le peuple est installé à Tobrouk, à l’est du pays, alors que le Conseil national de transition, formé avec le soutien de l’Onu et de l’UE, est en place à Tripoli, à l’ouest.

Libye-France : une diplomatie en équilibre instable

Combattant rebelle posté devant une raffinerie, près de Ras Lanouf dans le nord-est de la Libye, le 5 mars 2011. © Hussein Malla/AP/SIPA

 

En visite à Tunis, le président français a reconnu la responsabilité française dans le chaos libyen d’aujourd’hui. Mais, quelques mois après être parvenu à réunir le maréchal Khalifa Haftar et Fayez al-Sarraj, la stratégie diplomatique française peine à faire sentir ses effets.

« Nous avons collectivement plongé la Libye dans l’anomie, sans pouvoir régler la situation », a reconnu le président français, le 1er février, devant le Parlement tunisien. Une condamnation franche de l’action de Nicolas Sarkozy, à l’origine des opérations militaires occidentales contre le régime de Kadhafi. « Gaullo-mitterrandiste » proclamé, Emmanuel Macron a même tenté de se poser en grand médiateur de la crise, en tandem avec son ancien professeur de Sciences-Po, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Libye Ghassan Salamé.

Deux mois après son élection, le 25 juillet 2017, il avait réussi le tour de force de réunir près de Paris les deux protagonistes du conflit, le maréchal Khalifa Haftar, maître de l’Est, et Fayez al-Sarraj, Premier ministre reconnu par la communauté internationale du gouvernement de Tripoli. Et d’obtenir d’eux une déclaration commune inédite.

Des accords de réconciliation caduques
La France de François Hollande avait développé une stratégie ambiguë, sa diplomatie soutenant la légitimité de Sarraj quand sa Défense aidait secrètement Haftar. L’élection de Macron et le passage de Jean-Yves Le Drian de la Défense aux Affaires étrangères ont d’abord profité à Haftar, vu comme un rempart contre le chaos milicien et l’islamisme.

« Avec Macron, les choses sont plus claires, sa position est importante pour faire évoluer le processus politique », se permettait d’affirmer le maréchal de l’Est à JA le 16 décembre 2017.

Mais en déclarant le lendemain la caducité des accords de réconciliation de 2015 à Skhirat, il fâchait son meilleur allié occidental. Le 21 décembre, Le Drian débarquait dans le quartier général de Haftar pour une explication musclée après avoir souligné sa « convergence totale » avec Sarraj, également rencontré.

Rencontre secrète entre Sarraj et Le Drian
L’aventurisme de Haftar risquant de compromettre le plan de l’ONU, qui est soutenu par la France, Salamé a réussi à convaincre Paris de se rapprocher des autorités de Tripoli. Le 31 janvier, la rencontre secrète à Tunis entre Sarraj et Le Drian, qui accompagnait son président en visite officielle, a trahi ce rééquilibrage vers l’ouest. Une présence diplomatique française permanente est désormais assurée par le roulement hebdomadaire, depuis Tunis, de l’ambassadrice (réputée favorable à Sarraj), de l’attaché de défense et de l’attaché de sécurité intérieure.

Esclavage en Libye : une hypocrisie collective

 

Les responsables politiques enchaînent les réactions suite à la diffusion, par une chaîne américiane, d’images montrant une « vente aux enchères » d’être humains en libye. Le phénomène est pourtant loin d’être nouveau. Et tout le monde savait. Comme pour Aylan, Kurde de 3 ans photographié mort sur une plage turque en septembre 2015, les images de CNN, montrant ce qui ressemble à une vente aux enchères de migrants en Libye, ont fait le tour du monde. Comme pour Aylan, tout le monde savait, mais peu a été fait jusqu’ici. Comme pour Aylan, les réactions s’enchaînent, promettant des mesures. Mercredi, Emmanuel Macron a dénoncé des « crimes contre l’humanité » : « La dénonciation par la France est sans appel. » Paris a demandé une réunion « expresse » du Conseil de sécurité des Nations unies pour évoquer le sujet. Le même jour, le Rwanda a proposé, par l’intermédiaire de sa ministre des Affaires étrangères, d’accueillir 30 000 migrants prisonniers en Libye. Avant eux, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’était déclaré « horrifié ». Le Niger, dont un certain nombre de citoyens se trouvent justement en Libye, a demandé un débat sur l’esclavage en Libye au prochain sommet Union Européenne-Union Africaine qui doit avoir lieu à la fin du mois. Le Gouvernement d’Union nationale, reconnu par la communauté internationale et qui contrôle les territoires où ont lieu la plupart des « ventes » selon CNN, a quant à lui annoncé l’ouverture d’une enquête. Devant l’assemblée nationale, mercredi, Jean-Yves Le Drian a signalé que les autorités libyennes avaient « plusieurs fois (été) alertées. » Le ministre des affaires étrangères, a exigé que celle-ci soit rapide sous peine d’ « engager une procédure internationale de sanction ».

Une phrase qui agacent les libyens, qui montrent, depuis la diffusion du reportage mi novembre, leur solidarité avec les migrants en publiant sur les réseaux sociaux des selfis avec des migrants subsahariens. Jalel Harchaoui, chercheur spécialisé sur la Libye à l’université Paris 8, a très bien résumé, pour RFI, ce que ressent la population : « On s’en prend à Tripoli qui est, peut-être, le gouvernement le plus faible des trois qui existent aujourd’hui en Libye (depuis 2014, la territoire libyen

est morcelé par différentes autorités politiques et militaires, ndlr). Il y a un côté paradoxal : si ce gouvernement-là pouvait garantir de bonnes conditions pour les migrants, il pourrait faire la même chose pour les citoyens libyens, et on sait tous que ce n’est pas le cas. » Autre paradoxe : ces réactions en chaîne alors que l’esclavagisme en Libye existe depuis longtemps et sous différentes formes. Pour le site Infomigrants, le journaliste Léonard Vincent rappelle : « Ceux qui ont un peu de mémoire se souviennent par exemple des centaines de migrants africains enfermés dans les prisons de Kadhafi et qui rachetaient leur liberté en travaillant pour leurs gardiens. » En 2013, Le Figaro avait rencontré John, un Nigérien, qui se postait à un grand carrefour de Tripoli pour chercher du travail à la journée. « Ici, on nous traite comme des esclaves. Parfois, sur les chantiers, ils nous battent. D’autres, en fin de journée, refusent de nous payer », expliquait-il déjà. Deux ans plus tard, le directeur d’un centre de détention officiel, à l’ouest de la capitale, nous détaillait sans complexe comment il évitait la « surpopulation »: « Des patrons, des entreprises viennent chercher des employés qui ont été arrêtés. On les libère après la signature d’un papier. » La méthode est généralisée et, au passage, les gardes touchent une commission. Enfin, en avril dernier, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) publiait un rapport titré : « L’OIM découvre des « marchés aux esclaves qui mettent en péril la vie des migrants en Afrique du Nord. » » Le document cite notamment un employé de l’organisation au Niger qui évoque des témoignages de migrants de retour de Libye : « Ils ont tous confirmé le risque d’être vendu comme esclave sur des places ou dans des garages à Sebha (sud libyen, ndlr), soit par leur chauffeur, soit par des locaux. » Selon le gouvernement français, entre 800 000 et un million de migrants, principalement d’origine subsaharienne, se trouvent de façon illégale en Libye. Si le phénomène est particulièrement ancien, les flux vers l’Europe ont très largement augmenté en 2015, suite à la crise de l’été 2014 qui a mené à une division de facto du pays. En à peine 3 ans, près de 450 000 migrants sont ainsi entrés en Italie, la plupart étant parti de Libye. Les mesures, prises, elles semblent minimes. L’Union européenne

organise, depuis quelques mois, des formations des gardes-cotes libyens qui ont permis, entre autres, de faire chuter le nombre d’arrivée en Italie cette année. Une coopération jugée « inhumaine » par Zeid Ra’ad Al Hussein, Haut-Commissaire de l’Onu aux droits de l’homme : les quelque 20 000 migrants interceptés en mer cette année ont été ramenés en Libye sans solution pérenne. Si l’OIM a largement accéléré les retours volontaires -passant de 2775 en 2016 à plus de 11 000 entre janvier et novembre 2017-, c’est loin d’être suffisant. Des responsables libyens accusent d’ailleurs les pays d’origine des migrants de ne faire aucun effort dans le cadre de ces procédures de rapatriement. Au printemps dernier, des Maroccains ont, par exemple, attendu plus de 4 mois l’autorisation de Rabat pour rentrer chez eux. La situation est encore plus compliquée pour les personnes qui pourraient prétendre au statut de réfugié, non reconnu en Libye. La plupart de celles-ci restent bloquées, sans issue. Ce n’est que le 13 novembre dernier que l’Onu a, pour la première fois, exfiltré des réfugiés originaires de la corne de l’Afrique. Ils étaient au nombre de 25. Ils pourraient être accueillis en France. Paris a annoncé en octobre l’ouverture d’un corridor humanitaire avec l’Afrique qui devrait bénéficier à 3000 migrants avant fin 2019.
 Un chiffre bien loin de répondre aux besoins du terrain. Les images de CNN seront-elles suivis d’action ou tomberont-elles dans l’oublie comme la photo du petit Aylan ?

Maryline Dumas @Maryline_Dumas