Samedi 05 juillet 2025 9 Mouharram 1447

Tous les articles par Farouk

La géopolitique des hydrocarbures en Méditerranée

 

 

carte_forages-680x325

 un autre phénomène : les projets d’hydrocarbures et les activités de forages se multiplient dans toute la Méditerranée, au point d’affecter les équilibres généraux de sa géopolitique*.

L’hypothèse est d’autant plus vraisemblable si l’exploitation des gisements de gaz de schiste (notamment en Afrique du Nord) est décidée par les pays et sociétés civiles concernés. Une telle perspective ne devrait pas pour autant bouleverser fondamentalement la carte (déséquilibrée, rappelons-le) des gisements et sites d’exploitation des hydrocarbures enMéditerranée.

Les trois énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) totalisent en moyenne 80 % de l’approvisionnement énergétique des pays méditerranéens. Lepétrole reste la source d’énergie dominante, mais sa part dans le mix énergétique tend à diminuer en faveur du gaz naturel (Pierre Blanc). Les hydrocarbures (pétrole et/ou gaz naturel) sont concentrés dans le territoire (y compris maritime) des pays du Sud et de l’Est méditerranéen.

Outre l’autosuffisance énergétique (loin d’être atteinte pour un pays comme la Tunisie), certains de ces producteurs-exportateurs sont de véritables puissances énergétiques. C’est du moins le cas de l’Algérie et de la Libye, toutes deux membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP)). La déstabilisation de la Libye (depuis la chute de Kadhafi), les découvertes de réserves de gaz naturel et de pétrole en Méditerranée orientale (au large des côtes chypriotes, israéliennes, palestiniennes, libanaises, syriennes) et le développement d’une nouvelle région d’exploitation offshore d’hydrocarbures sont autant d’éléments susceptibles de modifier la carte énergétique (et donc géopolitique) du bassin méditerranéen dans son ensemble.

L’Algérie est actuellement la principale puissance énergétique de la Méditerranée. Même si ce leadership est loin d’être acquis à terme (voir infra). Le gaz naturel et le pétrole représentent encore près de 95% de ses exportations et constituent la principale source de revenus pour l’État. La manne financière tirée des richesses géologiques (surtout du gaz naturel) sert un État rentier dont l’économie nationale dépend des fluctuations du prix des hydrocarbures. Jusqu’à présent, cette richesse n’a pas permis au pays de sortir de sa condition globale de sous-développement (économie, infrastructures, services publics…).


libye-petrole-l-economiste-maghrebin-490x326 (1)

Autre puissance énergétique maghrébine, la Libye a une géologie riche en hydrocarbures. Le territoire libyen abrite les plus importantes réserves de pétrole d’Afrique. Or le pays connaît une guerre civile qui provoque de lourds dysfonctionnements dans son industrie pétrolière. Ses capacités de production et d’exportation sont nettement affectées par la prise de contrôle des terminaux par divers groupes armés djihadistes, mais aussi par des problèmes de maintenance de ses infrastructures. Parallèlement, la manne pétrolière exaspère les tensions claniques et tribales et accroît la menace séparatiste/sécessionniste. L’Égypte détient, quant à elle, la troisième plus grande réserve de gaz naturel en Afrique, derrière le Nigeria et l’Algérie. Reste que la primauté donnée à l’exportation sur la satisfaction du marché intérieur et la consommation locale en forte croissance ont installé le pays dans une crise énergétique.

En Méditerranée orientale, des puissances énergétiques régionales émergent. Dans le bassin levantin, la découverte en 2009 et 2010 d’importants gisements offshore (après de vastes opérations de forage menées en eaux profondes au début des années 2000) a fait naître un nouveau pôle énergétique, celui de la Méditerranée orientale, lequel ne bouleverse pas pour autant la donne énergétique mondiale. D’une superficie de 83 000 km2, le bassin du Levant posséderait des réserves estimées, par l’US Geological Survey, à 1,7 milliard de barils de pétrole, et surtout à 3 452 milliards de mètres cubes (mmc) de gaz naturel. Ces réserves pourraient favoriser, au niveau régional, l’indépendance énergétique de certains pays, et même en faire des exportateurs de gaz. Pour ce qui est du pétrole, les réserves du Levant se situent à un niveau nettement inférieur à celles disponibles en Afrique du Nord, par exemple.

Les deux principaux champs gaziers israéliens sont celui de Tamar, exploité depuis mars 2013, et celui de Léviathan, dont Israël espère démarrer l’exploitation en 2017-2018. La compagnie américaine Noble Energy est le principal opérateur en charge de l’exploitation de Tamar et de la mise en valeur de Léviathan. Ces réserves de gaz permettent à Israël d’envisager l’indépendance énergétique et même de devenir un pays exportateur de gaz. En février 2013, Gazprom et Israël ont signé un accord portant sur l’achat, par le géant russe et pour une durée de 20 ans, de GNL (gaz naturel liquéfié) israélien provenant du champ de Tamar. Les infrastructures seraient financées par Gazprom, qui cherche aussi à acquérir des parts dans l’exploitation future de Léviathan. Dans le bassin du Levant, Chypre dispose également de réserves gazières offshore (en particulier grâce au gisement Aphrodite). La Russie entend jouer un rôle de premier plan dans les projets d’infrastructures destinées à évacuer le gaz chypriote vers le marché européen.

Si le Liban abrite des réserves en gaz non négligeables dans sa zone économique exclusive (ZEE), la Syrie possède les plus importantes réserves de pétrole du Levant. Fin 2013, une entreprise russe, SoyuzNeftGaz, a signé avec le régime Assad un accord portant sur l’octroi d’une licence d’exploration gazière et pétrolière pour une période de 25 ans des réserves situées offshore, alors même que la survie du régime est loin d’être assurée.

Cette répartition inégale des ressources avive les tensions et la conflictualité inter-meditérannéenne entre les rives, surtout sud et est. Enfin, le développement de l’exploitation des hydrocarbures en Méditerranée menace aujourd’hui des écosystèmes d’une mer semi-fermée qui abrite entre 4 et 18% des espèces marines connues …

* Béligh Nabli, Géopolitique de la Méditerranée, Paris, Armand Colin, 2015.

Les pays voisins de la Libye unanimes : le gouvernement d’union nationale doit entrer en fonction dans les plus brefs délais

145867612998_content

A l’initiative de la Tunisie, les ministres Affaires étrangères des pays voisins de la Libye (Tunisie, Algérie, Egypte, Tchad, Niger, Soudan et Tchad) ainsi que les représentants de l’ONU de l’UA et de l’UE en présence du chef de gouvernement d’unité nationale libyen ont débattu mardi des  développements de la situation dans ce pays. Ils ont également passé en revue les efforts visant à appuyer le processus politique mené par l’Organisation des Nations unies dans le cadre de l’application de l’accord politique conclu le 17 décembre 2015 et la mise en place d’un gouvernement d’union nationale.
Le ministre des Affaires  étrangères, Khemaies  Jhinaoui a  appelé à « une accélération de  la prise de fonctions du Conseil présidentiel du gouvernement d’entente nationale pour lui permettre d’entamer sa mission de lutte contre le terrorisme ». Il a réaffirmé le refus de son pays de toute intervention militaire en Libye en raison de ses retombées « désastreuses » sur le peuple libyen et son impact sur les pays de la région. Pour sa part, l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies a rappelé la disposition de la communauté internationale à apporter aide et soutien au gouvernement d’unité nationale pour faire face à la propagation du terrorisme en Libye et barrer la route à l’extension de daech.

Leaders croit savoir que les participants ont fait  part de leur profonde préoccupation face à la situation sécuritaire, humanitaire et économique que traverse la Libye et appelé la communauté internationale  à assumer ses responsabilités pour mettre fin aux souffrances du peuple libyen.

Ils ont mis l’accent sur la nécessité pour le gouvernement d’union nationale de s’installer dans les brefs délais à Tripoli et s’attaquer aux problèmes qui se posent au pays en matière de lutte contre le terrorisme, le crime organisé, l’émigration clandestine,  la sécurisation des frontières et l’amélioration des conditions de vie du peuple libyen.

Les ministres ont insisté sur le rôle primordial de l’ONU et du Conseil de Sécurité de doter le gouvernement d’unité nationale des  moyens et les mécanismes nécessaires en vue de rétablir  la sécurité et la stabilité en Libye.

Enfin, ils ont réitéré  leur refus de toute intervention militaire en Libye et insisté sur le fait que  toute action militaire destinée à combattre le terrorisme doit se faire à la demande du gouvernement d’union nationale conformément aux dispositions de la charte des Nations Unies 


le temps- CARICATURE 7-8-2014

SOS Méditerranée: lettre à ma mer

Photo Patrick Bart. SOS Méditerranée.
Photo Patrick Bart. SOS Méditerranée.

Pendant vingt et un jours, Jean-Paul Mari, journaliste et écrivain, tient pourLibé le journal de bord de l’Aquarius, le bateau de SOS Méditerranée, qui mène une opération de sauvetage de migrants.

Ah ! Te revoilà, toi ! Mais où étais-tu donc passée? Depuis qu’on a pris le chemin du retour vers la Sicile, tu nous refais les yeux doux et le dos rond. Les 1817 tonnes de l’Aquarius glissent sur une mer lisse, une eau bleue miroir, sans un souffle de vent. Ce matin, après une nuit sans cauchemars, j’ai écarté les rideaux de ma cabine sur un ciel transparent et léger. Dehors se profilait le paradis. Levanzo, Marettimo et Favignana, les îles des Égades à l’ouest de la Sicile, ses plages dorées, son vin noir et ses rougets frits. Surpris, j’ai écouté. Pas un craquement, plus le moindre signe de cette colère qui tourmentait la grande carcasse d’acier de notre Aquarius. Il y a quelques heures à peine, face aux côtes libyennes, je ne t’ai pas reconnu sous ta lumière grise, les lèvres ourlées d’une bave d’écume et le creux de tes vagues grimaçant un vilain rictus mortuaire. J’étais abasourdi. Notre mer la Méditerranée ne m’avait pas élevé avec autant de dureté. Et ce vent, ce vent ! Sifflant comme Scylla quand elle saisit les naufragés et les noie sans pitié. Ce matin-là, ce n’était même pas des marins, mais des Africains à la dérive. Ne savaient même pas nager ! Leur moteur cafouillait, leur canot dégonflé fuyait de toutes parts, radeau du désespoir qui convulsait sur l’eau comme un animal à l’agonie. Ils n’avaient aucune chance! Et toi, tu t’acharnais.

L’Aquarius est arrivé juste à temps. On te les a arrachés.

Et la nuit, sur le pont de notre bateau, je les ai écoutés. D’abord, Priscille, et son bébé de trois mois, prénommée Bénédiction, partie du Cameroun sa fille à peine née, pour fuir un mariage forcé, pour lui donner une vie où elle aura le choix. Et Willy, cinq ans, rivé au bastingage face à l’inconnu me demandant « s’il y avait des poissons dans la mer qui mangent les hommes ? » Et l’autre, gaillard de vingt ans, fils de grand magistrat, père décédé et mère ruinée, dépossédée, escroquée par son oncle, qui a décidé de trouver l’argent pour réparer l’injustice. Et Siku, le Nigérian, qui a fui Boko Haram. Comme Cyril, le Camerounais, chrétien, lui aussi menacé par les islamistes. Cyril, frappé par le syndrome libyen, racisme, séquestration, viols et «maisons de torture». Cyril, qui parle comme un docteur en philosophie en racontant à voix basse les milices et les tueurs de Daech, les migrants forcés de prendre les armes pour jouer la chair à canon. Et ces pauvres bougres qu’on drogue pour les transformer en tortionnaires de leurs frères. Ainsi dans ces formes qui dorment autour de nous enroulées dans des couvertures, il y aurait côte à côte torturés et tortionnaires ? Et Cyril a fait oui de la tête.

Dehors, la mer grondait, ricanait et je ne la reconnaissais plus. Pour ne pas la haïr, je me suis forcé à me rappeler les dauphins venus à notre encontre lors du sauvetage du rafiot. Un, deux, trois, quatre puis cinq dauphins qui se sont placés juste devant la proue du bateau. Sont restés là longtemps. Jusqu’à ce qu’on le trouve. Pour nous montrer le chemin.

 

SOS Méditerranée, premier jour : «Avis de tempête»

Approvisionnement à Marseille avant le départ de SOS Méditerranée, le 19 février 2016. Photo Valentine Vermeil pour Libération
Approvisionnement à Marseille avant le départ de SOS Méditerranée, le 19 février 2016. Photo Valentine Vermeil pour Libération

Pendant vingt et un jours, Libé tient le «Journal de bord» de l’Aquarius, le bateau de SOS Méditerranée qui mène une opération de sauvetage des migrants en Méditerranée.

Assis sur un quai du port de Lampedusa, mon sac sur l’épaule, j’attends l’Aquarius, le navire de l’opération SOS Méditerranée. Petit pincement à l’estomac. Pas par peur du mal de mer. Plutôt face à l’ampleur de la tâche. Tout à l’heure, le bateau de 77 m de long entrera dans ce port qui a vu passer des dizaines de milliers de migrants venus d’Afrique ou d’Asie. Sur un îlot, un caillou tout proche, il y a une statue de vierge à l’enfant plantée à 14 m de profondeur, par un pécheur miraculé. Elle est là, au fond de l’eau et la mer de ses larmes pleure les 30 000 hommes, femmes et enfants qu’elle a vus mourir noyés depuis quinze ans en Méditerranée. Ils sont là, ballottés dans la vase du fond, couchés sur le dos, les yeux tournés vers la surface striée par le sillage des bateaux qui devaient les emporter vers une autre vie.

J’ai parcouru autrefois cette île pour raconter leur tragédie. Celle de Salomon, l’Africain, dont le bateau chargé de 75 personnes a dérivé vingt-cinq jours, et qu’on a retrouvé quasi mort de faim et de soif avec quatre autres survivants. Celle de Robiel, évadé d’Erythrée, qui a vaincu les déserts et la mer, pour aller se noyer dans le port de Calais, à 150 mètres du ferry qui devait l’emmener en Angleterre. J’ai raconté leurs histoires et tant d’autres dans les journaux et un livre. A chaque fois, on me répondait : «C’est terrible. Mais que faire ?» Aujourd’hui, j’ai une partie de la réponse. L’Aquarius a été affrété en un temps record par une association de citoyens comme vous et moi, une sorte de start-up de l’humanitaire. Et il part pour deux mois de campagne frôler les côtes libyennes. Nous allons patrouiller, en maraude, porter secours aux embarcations de migrants en détresse, dans une zone où la mortalité est estimée à 5 %. Il faudra les sortir de l’eau, soigner l’urgence à bord, les nourrir et les hydrater et, le plus vite possible, les transborder vers les navires qui croisent plus au nord, voire les déposer dans un port de Sicile et un centre d’accueil. Et l’Aquarius repartira, à toute vapeur, à la recherche d’autres points sur l’eau. Je l’attends, il va entrer en roulant dans le port, la mer est mauvaise. A bord, une partie de l’équipe est déjà terrassée par le mal de mer. Tout le monde est secoué. Tant mieux. Tous savent maintenant que ce sera dur. L’équipage est prêt. On aura sans doute un méchant mal de mer, mais c’est infiniment mieux que cette nausée permanente du sentiment d’impuissance.

«En Méditerranée, plus de 100 000 vies sont à sauver»

Philippe Martinez en 2014. Photo Isabelle Rimbert pour Libération
Philippe Martinez en 2014. Photo Isabelle Rimbert pour Libération

Philippe Martinez, capitaine de navire, appelle joueurs de foot, patrons du CAC 40, artistes et toutes les bonnes volontés à financer l’opération SOS Méditerranée qui sauve des réfugiés au large de la Libye.

  •  «En Méditerranée, plus de 100 000 vies sont à sauver»

Philippe Martinez est ce capitaine de mari

ne marchande qui a sauvé plus de 1800 migrants à la dérive en Méditerranée en août 2014 avec son remorqueur pour plateformes pétrolières (lire son témoignage et son portrait). Il est désormais investi avec l’association SOS Méditerranée qui vient de lancer un bateau d’assistance et dont Libérationpublie le journal de bord. Pour lui, il faut aller beaucoup plus loin, comme il l’indique dans cette lettre.

Monsieur le président de la République, Mesdames et Messieurs les présidents des entreprises du CAC 40, Messieurs les présidents de la Ligue de football professionnel, des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2, Messieurs les présidents de l’UEFA et de la Fifa, Mesdames et Messieurs les artistes et producteurs, Mesdames et Messieurs les citoyens de notre belle France,

Je suis le capitaine de marine marchande Philippe Martinez. En août 2014, avec mon navire le Leonard Tide, alors que je travaillais en mer au nord de la Libye, j’effectuais huit sauvetages en mer de migrants et réfugiés en perdition dans le nord des côtes libyennes et sauvais ainsi, avec mon équipage, un total de 1 841 personnes, hommes, femmes et enfants. Actions qui me valurent à mon retour en métropole d’être traité en héros et d’être invité sur quantité de plateaux télés et de radios, et d’avoir fait l’objet de multiples articles de presse écrite. On s’arracha littéralement mon temps, mes paroles et mes images pour quelques minutes d’interviews. On écrivit même un livre à mon sujet.

Madame Ségolène Royal, ministre des Transports, me fit chevalier de l’Ordre national du mérite maritime, et Madame Sandrine Mazetier, vice-présidente de l’Assemblée nationale, me contacta pour m’annoncer qu’elle avait proposé que me soit remise la Légion d’honneur !

Ce fut à qui ferait le plus pour montrer son indignation face à l’horreur, ce fut à qui crierait le plus haut pour faire part de son indignation en apprenant que des capitaines de navires croisant là-bas, sous injonction de leurs armateurs, regardaient ailleurs afin de ne pas perdre de temps à porter secours aux migrants et naufragés en perdition, que de mots superposés accompagnés de si peu d’actes !

Que d’honneurs et d’éloges pour des actes auxquels je ne me reconnais moi-même aucun héroïsme particulier sinon celui du devoir, aussi bien humain que maritime, accompli.

Alors à quoi bon l’encens, les médailles, les éloges et les honneurs quand ceux qui vous les remettent détournent eux-mêmes les yeux de toutes ces vies qui se perdent par milliers jour après jour, transformant le sud de la Méditerranée en le plus grand cimetière marin qu’ait connu l’humanité ?

En l’espace de onze mois, entre novembre 2013 et octobre 2014, l’opération italienne Mare Nostrum permit de sauver quelque 150 000 vies ! Les autorités européennes ont décidé en octobre 2014 de mettre fin à cette opération pour la remplacer par l’opération Frontex-Triton, qui n’est rien d’autre qu’une opération de police aux frontières, puisqu’elle n’agit plus que dans les eaux territoriales européennes. Que sont donc devenues, dites-moi, les 150 000 personnes qui n’ont plus été sauvées entre novembre 2014 et décembre 2015 par la marine italienne ? Où seront les 150 000 personnes qui ne seront pas sauvées en 2016 et les années qui suivront ?

Le 31 août 2015, un an jour pour jour après mon huitième et dernier sauvetage, mon téléphone a sonné : cet appel m’a tiré de la léthargie désabusée dans laquelle je m’étais peu à peu enfoncé et m’a redonné espoir en l’humanité. Il s’agissait de SOS Méditerranée. Quelques dizaines d’hommes et de femmes de part et d’autre du Rhin, depuis peu rejoints par d’autres chez nos voisins transalpins, dont l’unique but est de pallier la disparition de l’opération Mare Nostrum : veiller à ce que plus aucune vie ne soit perdue en mer par les migrants et réfugiés durant leur périlleuse traversée de la Méditerranée entre les côtes libyennes et Lampedusa.

SOS Méditerranée vise donc à remplacer l’opération militaro-humanitaire Mare Nostrum par la société civile, puisque les Etats membres de l’UE ont décidé de ne plus assumer leurs responsabilités, de ne plus agir en haute mer et au plus près des lieux de naufrages. En aucun cas, SOS Méditerranée ne tente d’infléchir la position de l’Europe ou de notre gouvernement sur les politiques d’accueil des réfugiés ou sur les politiques d’immigration. Le seul et unique objet de SOS Méditerranée est de sauver, de préserver des vies.

J’ai donc, depuis fin août 2015, rejoint les rangs de SOS Méditerranée, association civile qui vise à remplacer l’opération italienne Mare Nostrum, qui avait engagé trois navires de guerre, deux garde-côtes, trois hélicoptères et deux avions de recherche pour se porter au secours des migrants et réfugiés en perdition au plus près des côtes libyennes.

A cet effet, le 04 février 2016, depuis le plateau du Grand Journal de Canal Plus, je lançai un appel public à cinq entités: celle du monde du football professionnel, celle de l’entreprise à travers les sociétés du CAC 40, ceci par le biais de 83 lettres postées aux Président de ces entités, en direct et en public depuis le plateau TV de cette émission, ainsi qu’un appel à la mobilisation des artistes et producteurs de spectacles, et au gouvernement français à travers l’interpellation directe de Madame Sandrine Mazetier, députée et vice-présidente de l’Assemblée nationale, afin que des subventions soient allouées pour soutenir notre action, – suite à quoi, Madame Sandrine Mazetier relaya notre appel au travers d’une vidéo qu’elle posta sur le site internet du PS ainsi qu’une lettre qu’elle adressa personnellement au Président de la République Française, Monsieur François Hollande.

Et enfin un appel aux citoyens de notre pays afin qu’ils contribuent eux aussi par des dons, aussi modestes soient-ils, à notre association.

Cinq entités donc, pour cinq navires de sauvetage en haute mer. Cinq navires pour préserver la vie et effacer la honte. Pour un coût total de 40 millions d’euros annuels soit 8 millions d’euros par navire et par entité par année de fonctionnement. Moins du tiers du budget annuel des Restaurants du Coeur pour des dizaines et des dizaines de milliers de vies sauvées. L’équivalent de la subvention versée chaque année par les pouvoirs publics de notre pays à l’Orchestre Philarmonique de la ville de Paris!

Messieurs les dirigeants de Clubs de Ligue 1 et de Ligue 2, Messieurs les Présidents de la Ligue de Football Professionnel, de l’UEFA et de la FIFA, avec vos 43 budgets annuels cumulés, vous totalisez à vous seuls un budget annuel excédant les 6 000 millions d’Euros. Les seuls salaires annuels cumulés de vos trois stars du PSG excèdent à eux seuls l’intégralité de nos besoins pour cinq navires pour une année entière ! Que représente pour vous la somme de 8 Millions d’Euros face aux 20 à 25 000 vies que cette somme permettrait de sauver avec un navire de sauvetage en haute mer? 0.133 % de vos budgets exactement. Avant crédit d’impôts !

Mesdames et Messieurs les Présidents des Entreprises du CAC 40, en conjuguant vos efforts, ce ne sont que de 200 000 euros annuels, avant crédit d’impôt de 66%, dont chacune de vos entreprises devraient se séparer pour financer le deuxième navire qui nous permettrait de sauver 20 à 25 000 vies supplémentaires par an.

Mesdames et Messieurs les Artistes et Producteurs de disques, de télévision et de concerts, chaque année vous rapportez des dizaines de millions d’euros aux Restos du Coeur, et encore d’autres dizaines de millions d’euros au Téléthon. Ne pourriez-vous pas vous organiser, vous concerter, vous transformer, le temps d’une tournée mémorable, en Shangaïés pour les Rafiots du Coeur, nous composer un Hymne à la Vie de 8 millions d’Euros pour financer un troisième navire pouvant sauver annuellement 20 à 25 000 vies additionnelles? Je sais que Coluche trépigne d’impatience au fond de sa tombe en vous observant…

Monsieur le Président de la République, le coût total d’affrètement d’un navire pouvant sauver de 20 à 25 000 vies annuelles est d’environ 8 millions d’euros. Monsieur le Président, chaque année, plus de 1700 millions d’euros sont distribués à diverses entités et associations: ne pourriez-vous faire en sorte que SOS Méditerranée se voit attribuer de toute urgence une infime subvention de 8 millions d’euros, soit 20% de la subvention accordée à l’Orchestre Philarmonique de Paris, afin de couvrir les frais d’affrètement annuel d’un seul navire de sauvetage en haute mer? Soit 20 à 25 000 vies supplémentaires sauvées par an?

Et finalement toi, Peuple de France, pays des Lumières dont sont issus Voltaire et Rousseau, que représentent 8 millions d’euros pour une population active de prés de 30 millions de salariés, fonctionnaires, artisans, chef d’entreprises? Environ 27 centimes d’euros par actifs de notre pays avant crédit d’impôts. 8 millions d’euros qui nous permettraient de financer ce cinquième navire de

sauvetage en mer pour 20 à 25 000 vies supplémentaires sauvées. Criez le à vos élus, à vos entreprises, à vos stars du ballon rond !

5 Navires pour remplacer l’action des 5 navires de la Marine Italienne de Mare Nostrum, 5 navirescapables de sauver 100 à 125 000 vies par an sont nécessaires pour un coût de 40 Millions d’Euros annuels. C’est si peu demander, ce serait un acte si noble de la France, pays des Lumières !

Des milliers de personnes ont déjà contribué grâce à leurs dons à l’affrètement d’un premier navire, l’Aquarius, qui a quitté Marseille ce 20 février et a débuté ses opérations de sauvetage au nord de la Libye ce 25 février 2016. Malheureusement, les fonds récoltés jusqu’ici ne permettront pas de maintenir ce navire opérationnel au-delà de la mi-mai 2016. Il y a urgence, et c’est avec le cœur et les yeux remplis d’espoir que je vous supplie donc tous de nous aider.

Au nom de la vie, au nom de notre humanité ! Plus de 100 000 vies annuelles sont à sauver, le reste du monde nous observe et nous regarde…

 

SOS Méditerranée : la rage, oui, mais sans le désespoir

Les réfugiés recueillis lundi par «l'Aquarius» ont été emmenés sur l'île de Lampedusa. Photo Patrick Bar. SOS Méditerranée
Les réfugiés recueillis lundi par «l’Aquarius» ont été emmenés sur l’île de Lampedusa. Photo Patrick Bar. SOS Méditerranée

 

Presque deux semaines de mer pour «l’Aquarius» qui patrouille toujours dans une mer Méditerranée bien froide, à l’affût des rafiots de réfugiés.

  • SOS Méditerranée : la rage, oui, mais sans le désespoir

Pendant vingt et un jours, Jean-Paul Mari, journaliste et écrivain, tient pour Libé le journal de bord de l’Aquarius, le bateau de SOS Méditerranée, qui mène une opération de sauvetage de migrants.

Le temps de la mer n’est pas toujours celui des hommes. Deux jours que nous avons quitté l’escale de Lampedusa où nous avons déposé nos 74 réfugiés sains et saufs. L’Aquarius a poussé son moteur de 2 300 kW pour filer toute la nuit et arriver à 6 heures, pile à l’heure où les migrants atteignent les 20 milles au large de la côte libyenne.

Peine perdue. La mer creusée, le vent violent empêchaient tout départ des fameux Zodiac qui ne sont que des bateaux pneumatiques, façon gros jouets de plage. Têtu, notre navire a recommencé à patrouiller, d’est en ouest, d’ouest en est. Et la Méditerranée a pris en soirée une vilaine couleur grise. Ce matin, le froid est arrivé, moins de 14°C. Pour partir, les migrants sont obligés de se jeter à l’eau et de nager le plus vite possible jusqu’à leur embarcation ancrée loin de la plage.

A peine arrivé à bord de l’Aquarius, Moussa, un ancien footballeur ivoirien, s’est effondré. Il venait de perdre ses deux frères. Les militaires les avaient rafalés sur la plage. Quand les fugitifs finissent par grimper dans leur Zodiac, ils sont déjà terrorisés, épuisés et trempés jusqu’aux os. La nuit, le froid, le vent font le reste. La mer est cruelle. Et moi, j’enrage. L’Aquarius est condamné à faire des ronds dans l’eau, parfois sous l’eau. Comme dans le mess où chaque vague de quatre mètres submerge les hublots en vous donnant l’impression de vivre à l’intérieur d’une machine à laver. On reste là, à regarder les petites bulles d’air qui tourbillonnent vers la surface, avec l’étrange sensation d’être un noyé.

Et cette météo qui annonce des vagues de six mètres ! Déjà mal à l’aise sur ma table d’écriture qui joue les rocking-chairs, je me vois mal faire l’ascenseur entre le rez-de-chaussée et le deuxième étage. Bah ! La mer n’est pas un animal domestique. Tripoli n’est pas une station de métro et on ne peut pas demander aux migrants d’annoncer l’heure et le lieu de leur arrivée. De préférence en soirée, juste avant le journal de vingt heures ! D’un côté, cette absence nous rassure. Pas de radeau sur l’eau, pas de naufrage. Nous sommes là pour secourir ceux qui se noient, pas pour «faire du chiffre».

Sauf que l’équipage sait que ce n’est pas par manque de prisonniers sur la plage. Ils sont là, impatients d’embarquer. Et ils souffrent. Il suffit d’écouter les récits de Assiz, Moussa, Zenawi… tous disent que la Libye est un enfer. Et que chaque jour qui passe est une épreuve. Je les imagine, hommes et femmes, coincés dans le baraquement où les passeurs les entassent, regardant comme nous la mer pour savoir quand leur calvaire finira. Demain ? Oui, demain, peut-être. La Méditerranée devrait se calmer. L’Aquarius, notre navire, est au bon endroit. Nous sommes là. La rage, oui, mais sans le désespoir. Et tant pis pour le journal de vingt heures.

 

Ayrault à Tunis : aider le gouvernement libyen à s’installer et à agir

145824275259_content 

Abordant le dossier libyen, le chef de la diplomatie française a rappelé que le processus de stabilisation de la Libye exigeait l’installation à Tripoli d’un gouvernement d’union nationale légitime, reconnu par le peuple libyen et la communauté internationale et de mettre fin à la spirale de violence et de terrorisme dans le pays. Excluant le concours de forces armées internationales directement sur le terrain, il a indiqué qu’un soutien pourrait être apporté au gouvernement pour sa sécurisation sous forme d’une « garantie en association avec les forces sécuritaires libyennes », tout en observant qu’une consolidation pourrait venir du conseil de Sécurité (sans en préciser la forme).

Quel rôle jouera le général Hafter dans ce processus ? « Hafter doit être dans le dispositif sans pour autant y jouer un rôle central. C’est au gouvernement libyen d’en décider », a indiqué Jean-Marc Ayrault. Il doit s’en entretenir ce vendredi à Tunis avec le chef du gouvernement libyen, Fayez el-Sarraj.

 

La dernière : Le gouvernement libyen demande à la Tunisie de mieux maîtriser ses frontières et de retenir « ses » terroristes

libyaLors d’une conférence de presse tenue ce dimanche 28 février, le porte parole du ministère de la défense du gouvernement de « Fajr Libya », a dressé le bilan des dernières opérations que vient de mener « l’armée libyenne » contre les fiefs de Daech à Sobratha. Il a déclaré que la majorité des terroristes tués ou arrêtés portent la nationalité tunisienne.

Il a, de ce fait, lancé un appel au gouvernement tunisien afin qu’il maîtrise mieux ses frontières et qu’il empêche ses terroristes de les passer pour aller pourrir la vie, par ailleurs, sereine, des libyens.

Et il a ajouté, qu’il s’agit là, du deuxième avertissement que son gouvernement lance à la Tunisie dans ce sens.

Des tombes musulmanes du haut Moyen Age découvertes à Nîmes

ImageProxy (2)
Nîmes, fouilles du parking avenue Jean-Jaurès (responsables J-Y Breuil, B. Houix) / J. Vial, P. Pliskine, M-F Bernard, Inrap

Des chercheurs de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ont annoncé, mercredi 24 février, dans la revue scientifique américaine PlosOne, la mise au jour de trois sépultures musulmanes à Nîmes. La découverte a eu lieu au cours d’un chantier de fouilles, en 2006-2007, qui devait précéder la construction d’un parking souterrain. Ces tombes sont datées entre les VIIe et IXe siècles. Il s’agit des plus anciennes sépultures musulmanes découvertes en France, donc du premier témoignage archéologique d’une présence musulmane à cette époque.

Les tombes font partie d’un groupe de vingt sépultures découvertes au cours des fouilles, datant de plusieurs époques, des VIIe au XVIesiècles. Ces trois sépultures se distinguaient des autres par la position des corps, déposés sur le côté droit et le visage orienté vers le sud-est. Dans un communiqué, l’Inrap précise que « la position du corps, la tête orientée vers la Mecque comme le dépôt direct dans une fosse sont des caractéristiques évoquant les rites musulmans ».

Grâce à une analyse paléogénétique réalisée dans un laboratoire à Bordeaux, les chercheurs ont pu identifier l’origine des trois individus, qui seraient nord-africains, « du moins en ce qui concerne leur lignée paternelle ». A partir de là, les chercheurs émettent l’hypothèse qu’il puisse s’agir de soldats berbères, enrôlés dans l’armée omeyyade pendant l’expansion arabe en Afrique du Nord. Jean-Yves Breuil, archéologue à l’Inrap, a précisé au Mondeque l’hypothèse des soldats était la plus logique, puisqu’il s’agit des « premiers groupes musulmans arrivés en Europe », dans le cadre de la conquête.

Pourquoi est-ce une découverte importante ?

La présence musulmane en Espagne est attestée, après la conquête de la fin du VIIe siècle, par de nombreuses traces archéologiques. Mais on ne disposait pas de preuves physiques de leur présence en France à cette époque-là. « Il y a des tombes musulmanes du XIIe siècle à Marseille et à Montpellier, précise Jean-Yves Breuil, mais celles de Nîmes sont les plus anciennes qu’on ait jamais trouvées. » Ces informations rejoignent des sources historiques qui attesteraient de la présence musulmane à Nîmes dès 720. 

Mais la découverte de ces sépultures soulève aussi d’autres questions. « Ces trois hommes ont été enterrés par d’autres qui connaissaient parfaitement le rite musulman, explique Jean-Yves Breuil. Cela signifie qu’il y avait au moins un petit groupe, qui est resté quelques années à Nîmes, puisque certains y sont morts et que d’autres étaient là pour les enterrer. » L’un des hommes étant assez âgé, autour de cinquante ans, on peut donc imaginer qu’il est « resté assez longtemps » à Nîmes.

Deuxième élément essentiel, la place des tombes, retrouvées à l’intérieur de la ville antique, « près d’un chemin médiéval » et à une dizaine de mètres de tombes chrétiennes. « Elles ne sont pas reléguées dans un lieu sans signification, souligne Jean-Yves Breuil. Au contraire, elles sont dans la ville antique, ce qui, à l’époque, a du sens pour les gens du coin. » Est-ce à dire qu’un groupe de musulmans a pu cohabiter avec la communauté wisigothique de Nîmes, pendant quelques années, autour de 720 ? « Il est difficile de dire dans quelles conditions, si c’était une cohabitation subie ou non, si les rapports étaient pacifiques ou pas », tempère Jean-Yves Breuil. Mais il est certain que cette découverte va « plutôt dans ce sens » et pourrait nuancer l’idée que les musulmans n’auraient fait que des « incursions » dans une logique de conquête. Au contraire, cette découverte tend à montrer qu’un rapport de cohabitation a pu s’instaurer avec la population locale.