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En Libye, une conférence internationale à Tripoli pour consolider la transition

Le Premier ministre libyen, Abdelhamid Dbeibah, assiste à une réunion avec le secrétaire d’État américain Antony Blinken, à Berlin, en Allemagne, le 24 juin 2021. © Andrew Harnik, AFP (archives)

 

 

Alors que le pays tente de tourner la page d’une décennie de chaos, une conférence sur la stabilisation de la Libye s’est tenue jeudi à Tripoli, en présence de représentants de nombreux pays étrangers, afin de consolider le processus de transition.

À deux mois d’une élection présidentielle cruciale pour l’avenir de la Libye, une conférence ministérielle internationale s’est déroulée jeudi 21 octobre à Tripoli pour consolider le processus de transition. À l’issue de ce rendez-vous auquel ont pris part des représentants d’une trentaine d’États et organisations internationales, le gouvernement libyen s’est engagé à respecter les résolutions de l’ONU et à « créer un environnement propice à la tenue d’élections nationales transparentes et inclusives le 24 décembre », a déclaré la ministre libyenne des Affaires étrangères, Najla al-Mangoush, en lisant le communiqué final.

Tripoli a également réitéré son « refus des ingérences étrangères » dans les affaires libyennes et les « tentatives de semer le chaos en Libye ». Najla al-Mangoush a promis que la Libye respecterait ses engagements en matière de droits humains.

La « Conférence de soutien à la stabilité de la Libye » s’est tenue au moment où le pays d’Afrique du Nord tente de tourner la page d’une décennie de chaos depuis la chute, en 2011, du régime de Mouammar Kadhafi.

« Tripoli s’est rétablie. Elle est la capitale de tous les Libyens », a déclaré le chef du gouvernement intérimaire Abdelhamid Dbeibah dans son discours d’ouverture, promettant que les élections auraient lieu « à la date prévue » en décembre et appelant au « respect des résultats ».

Après des années de conflits armés et de divisions entre l’Est et l’Ouest, un nouveau gouvernement intérimaire a été désigné en début d’année, sous l’égide de l’ONU, pour sortir le pays d’un conflit internationalisé en le menant à une élection présidentielle cruciale fixée au 24 décembre et suivie par un scrutin législatif.

« Opportunité historique »

Plusieurs chefs de la diplomatie, dont le Français Jean-Yves Le Drian et l’Italien Luigi Di Maio, ont assisté à la conférence aux côtés d’homologues de pays arabes.

Dans un discours devant les participants, Jean-Yves Le Drian a salué les « progrès remarquables réalisés sur les plans politique et sécuritaire ».

« La tenue des élections présidentielle et législatives le 24 décembre est désormais à portée de main après l’adoption de la base juridique nécessaire à leur organisation », a-t-il déclaré.

« Les aspirations des Libyens à la souveraineté sont convergentes avec les intérêts de sécurité de l’ensemble de la région, du Sahel à l’Europe en passant par l’Afrique du Nord », a assuré Jean-Yves Le Drian. « Avec notre appui, les Libyens pourront saisir l’opportunité historique qui existe aujourd’hui de retrouver la paix, la souveraineté et une prospérité partagée. »

Il a aussi rappelé l’organisation, prévue le 12 novembre à Paris, d’une conférence internationale sur la Libye, « dans un format qui sera pour la première fois élargi à l’ensemble des pays du voisinage de la Libye », et qui « permettra de donner la dernière impulsion internationale nécessaire en soutien aux élections de la fin de l’année ».

Cette conférence « endossera le plan libyen de départ des forces et mercenaires étrangers et accompagnera sa mise en œuvre, pour mettre un terme aux ingérences étrangères ».

Encore de nombreux mercenaires présents

À l’ouverture de la réunion à Tripoli, la secrétaire générale adjointe de l’ONU pour les Affaires politiques, Rosemary DiCarlo, a insisté sur l’importance du scrutin de décembre pour « achever la phase transitoire », en appelant les organisations internationales à dépêcher sur place « des envoyés spéciaux pour observer cette opération » et garantir sa transparence.

Pour la communauté internationale, la priorité est la tenue des scrutins décisifs mais entourés d’incertitudes, du fait des fortes dissensions internes.

Alors que le conflit libyen a été largement alimenté par des puissances extérieures, Tripoli avait annoncé vouloir mettre l’accent, à travers cette conférence, sur « la nécessité de respecter la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Libye », selon Najla al-Mangoush.

En décembre dernier, l’ONU faisait état de quelque 20 000 mercenaires et combattants étrangers présents en Libye : des Russes du groupe privé Wagner, des Tchadiens, Soudanais, Syriens… Mais aussi plusieurs centaines de militaires turcs présents en vertu d’un accord bilatéral conclu avec l’ancien Gouvernement d’union nationale.

Seulement quelques départs « très modestes » ont depuis été constatés, d’après Tripoli.

Autre point de discussion, l’unification de l’armée sous un commandement unique. Car si en théorie, le pays dispose désormais d’un pouvoir unifié, la région orientale de Cyrénaïque est contrôlée de facto par le maréchal Khalifa Haftar, lui-même candidat probable à la présidentielle. Aucune annonce sur une réunification de l’armée n’a été faite.

 

 

 

 

Archive (2011) : Il y a dix ans mourait Muammar al-Kadhafi, le sinistre pitre de Syrte

Libyan leader Colonel Gaddafi makes a speech in Libya, circa 1986. (Photo by John Downing/Getty Images)

 

A l’occasion des dix ans de sa mort, nous republions la nécrologie du «guide de la révolution libyenne», Muammar al-Kadhafi. En quarante-deux ans de règne et de méandres, le jeune officier nationaliste qui prit le pouvoir en 1969 se mua en tyran aventureux, pour finir en bouffon violent et imprévisible.
A Tripoli, on l’attendait, un jour, deux jours, parfois plus. Interdiction de sortir de l’hôtel tant qu’il ne vous aurait pas reçu. Enfin, il daignait paraître dans ce palais fantôme de Bab al-Azizia (dans les faubourgs de Tripoli), que l’aviation américaine avait fracassé en avril 1986 pour le punir de ses méfaits d’alors et qu’il avait laissé à l’état de ruines pour bien montrer de quoi l’impérialisme yankee était capable.

A cette conférence, il fallait alors s’y précipiter dans l’urgence, escorté par des sbires énervés, engoncés dans des costards sombres. Assis dans un fauteuil, entortillé dans ses étoffes chamarrées, grimé à la façon d’un vieux clown, la paupière sautillante, comme fâchée avec la fixité, l’œil, entre le vitreux et l’opaque, abrité derrière des lunettes de soleil de rock-star, la peau comme liftée à la pierre ponce, la babine brouteuse et hautaine des vieux dromadaires, avec des babouches de luxe en balancement mou sur la pointe du pied, il apparaissait comme l’étrange combinaison d’une reine mère décatie et d’une dragqueen foudroyée par quelque substance. Il n’écoutait pas les questions, répondait à côté, menaçait un journaliste arabe qui avait osé lui demandé s’il savait ce qu’était devenu son ministre des Affaires étrangères de l’époque, mystérieusement disparu : «Si j’étais vous, c’est une question que je ne poserais pas.» A moitié ici, à moitié ailleurs, Muammar al-Kadhafi déclinait l’odieux, l’arrogance, comme tout dictateur. Mais sans se départir d’une certaine tristesse. La tristesse noire des grands bouffons.


Révolutionnaire impétueux et chef tribal

Au moins, on ne sortait jamais déçu d’une rencontre avec Kadhafi, caricature de tyran et, au fil des ans, caricature de sa propre caricature. A cette époque, l’embargo international serrait la Libye dans un étau. Pour quelques bonnes raisons : attentat de 1986 contre une discothèque de Berlin fréquentée par des soldats américains (3 morts et 270 blessés), explosion en plein vol d’un Boeing de la Pan Am au-dessus de l’Ecosse en 1988 (270 tués), puis d’un vol d’UTA l’année suivante au-dessus du Ténéré (170 tués). La raison de tous ces assassinats collectifs : la vengeance. Contre Washington, qui a bombardé ses résidences et failli le tuer – il a reçu, semble-t-il, un morceau de plafond sur la tête. Contre Paris, qui conduira contre lui une guerre de dix ans au Tchad où il subira une humiliante défaite en dépit de son armée, suréquipée mais incapable de combattre.

Il n’a jamais été facile de suivre Kadhafi pendant ses quarante-deux ans de méandres qu’il débordait sans cesse comme un fleuve en furie. Au début, pourtant, la ligne est claire. Les années de jeunesse sont marquées par la fascination qu’il éprouve envers le révolutionnaire africain Patrice Lumumba et l’Egyptien Gamal Abdel Nasser, dont il a suivi religieusement les discours à la radio. Il va donc beaucoup emprunter au raïs. Entré à l’académie militaire, il fonde, avec d’autres élèves sur lesquels il exerce rapidement son ascendant, une confrérie d’«officiers libres» dont le but est de chasser le vieux roi Idris. Ce sera fait le 1er septembre 1969. Le monarque renversé, le jeune capitaine, qui s’est promu colonel, se croit destiné à un rôle de premier plan dans le monde arabe, surtout après la mort de Nasser. A cette époque, la dégaine est martiale dans un uniforme impeccable, et le visage est celui d’un jeune premier. L’homme promet, d’autant plus que la chute de la monarchie s’est faite, comme en Egypte, sans effusion de sang. On s’attend dès lors à ce que la Libye sorte vite de son long sommeil sablonneux. Le jeune colonel vient d’ailleurs du désert – il y retournera sans cesse et gardera ce goût du secret propre aux Bédouins. Il y est né vers 1942 sous une tente en peau de chèvre. Ses parents nomadisaient du côté de Syrte. Mais sa tribu, les Kaddafat al-dam («Ceux qui font jaillir le sang»), ne fait pas partie des tribus dominantes. Comme les Kaddhafan n’occupent pas une place importante, celles-ci ne les ont pas perçus comme pouvant les écraser. Les tribus de l’Est, d’où est partie la rébellion, resteront toutefois méfiantes. Car la ligne de séparation du Maghreb et du Machreq traverse la Libye, précisément du côté de Syrte, où il est né. Dans sa Nouvelle Géographie universelle, le génial Elisée Reclus faisait déjà observer que, pendant la longue colonisation ottomane, la Cyrénaïque avait toujours été rebelle au pouvoir de Tripoli.

Toute sa vie, Kadhafi le révolutionnaire s’emploiera, non sans talent, à orchestrer le complexe jeu tribal. Jean-Louis Gouraud, qui le fréquenta et publia deux livres d’entretiens avec lui, explique : «Il eut l’intelligence de concilier toutes les tribus en distribuant des postes, des fonctions, de l’argent. Il consacrait environ 80 % de son temps à monter des équilibres instables entre les tribus, les clans, les villages… Quand il a mis à l’écart le numéro 2 du régime, le commandant Jalloud, il l’a remplacé par Abdallah Senoussi, qui venait de la même tribu.» Dans ce jeu compliqué, il dispose d’un atout formidable : la manne pétrolière. Le paradoxe, c’est que son pays s’urbanise – il l’est aujourd’hui à 80 % – et que, dans les villes, les mariages, les emplois cassent les antiques solidarités tribales. Qu’importe ! Il continue à rejeter la ville au profit d’un désert mythique. «Il a fait croire au monde entier que les Libyens continuaient à vivre sous une tente», s’emporte un intellectuel libyen.

Les trois grandes chimères du Guide
Son premier grand rêve, dans la foulée de Nasser, est l’unité d’un monde arabe traumatisé par la défaite de 1967 contre Israël. Il va donc provoquer pas moins de 14 fusions avec divers pays qui ont toutes lamentablement capoté. Comment en serait-il autrement avec un homme aussi imprévisible ? Dès 1969, lors d’un sommet de la Ligue arabe, à Rabat, il sort un pistolet pour mettre en joue le roi Fayçal d’Arabie Saoudite. Cette unité arabe s’annonçant impossible, Kadhafi en rejette la responsabilité sur l’Occident. Là encore, par vengeance, il apporte son soutien et ses largesses à qui témoigne de l’hostilité à l’Amérique et l’Europe, de gauche comme de droite. Tripoli devient La Mecque de la révolution. L’IRA, ETA, la bande à Bader, les Kanaks calédoniens, les Corses, les sandinistes du Nicaragua y sont accueillis à bras ouverts, à commencer par Carlos – les deux hommes se brouilleront ultérieurement. Une particularité du régime : il finance aussi bien les dictateurs que leurs opposants.

Il s’est aussi découvert un autre rêve : l’unité de l’Afrique. Là encore, il distribue des valises de pétrodollars. Le résultat est pour le moins mitigé.

Son troisième grand dessein sera de vouloir doter le monde arabe de la bombe nucléaire et autres armes de destruction massive. Cette fois, c’est Ubu qui se lance dans l’atome. Il trafique avec la Corée du Nord et manigance avec le Pakistan, qui lui piqueront ses dollars mais lui vendront n’importe quoi. Mais, bientôt, c’est Moussa Koussa, le chef des services spéciaux, qui est en première ligne. Lui veut sortir la Libye de sa mise en quarantaine. Il va donc proposer aux Occidentaux inquiets de dévoiler ce programme quasiment inexistant en échange de la réintégration de son pays dans le cercle international. La démarche est grossière, mais ça marche, d’autant plus que le pétrole libyen attire toutes les convoitises. Cette fois, le pitre de Syrte a roulé les Occidentaux dans la farine.

Le rapprochement avec les Etats-Unis, regardés jusqu’alors comme l’incarnation du Mal, le Royaume-Uni et la France sera spectaculaire. «Pourtant, remarque Jean-Louis Gouraud, l’Amérique n’existait pas pour lui. A ses yeux, c’était un conglomérat de peuples venus d’ailleurs, un pays qui appartenait à tout le monde.» Cette détestation des Etats-Unis ne l’empêcha pas de proposer, en avril 2005, de marier un de ses fils à Chelsea, la fille de Bill Clinton, afin de resserrer les liens entre les deux pays. Après l’élection de son «frère» Barack Obama, il recevra sa grand-mère kényane à Tripoli. Avec Washington, la réconciliation avait évidemment un parfum âcre de pétrole. En janvier 2006, onze nouveaux permis d’exploitation sur quinze furent accordés à des compagnies américaines. La même année, Washington retirait la Libye de la liste des pays soutenant le terrorisme et les deux capitales échangaient des ambassadeurs.

Les prophéties du «berger des Syrtes»
Réconcilié avec la France, lui qui avait fait fouler par ses chars le drapeau français lors d’une fête de la révolution, il viendra planter sa tente au cœur de Paris. On le voit, les scrupules ne l’ont jamais étouffé. N’a-t-il pas fait disparaître dès 1978 le célèbre imam chiite libanais Moussa Sadr, venu négocier avec lui alors que la règle, en Orient, veut qu’on ne tue jamais un émissaire.

Parfois, il pouvait être drôle dans ses foucades, notamment avec ses pairs arabes, comme avec Hassan II, lorsqu’il avait enfilé un gant blanc avant de le saluer pour éviter tout contact «avec ses mains souillées de sang» par sa poignée de main avec l’Israélien Shimon Pérès. Lors d’un sommet à Syrte, il s’en était pris au grassouillet émir du Qatar, lui déclarant : «L’émir Hamed est mieux pourvu que moi pour remplir le vide des sommets arabes.» Ou encore lorsque, rendant visite à quelque potentat du Golfe, il apparaissait avec ses amazones en treillis qui lui servaient de gardes du corps, version kadhafienne des James Bond Girls.

En 2002, il était arrivé à un sommet africain avec un bateau rempli de chèvres – dont il buvait le lait chaque matin – qu’il avait fait distribuer aux autres délégués. Pourtant, personne n’avait le courage de le railler. Même en Occident, quelle personnalité politique osait se gausser quand il lançait «Shakespeare, ce grand dramaturge d’origine arabe» ? Ou expliquait que le nom de l’Amérique venait d’émir. Au contraire, il ne manqua jamais de thuriféraires, y compris chez nos diplomates. Un distingué ambassadeur de France osa même l’appeler «le berger des Syrtes» dans un ouvrage à sa gloire, qui parle de lui comme un «être hors du commun qui rêvait de changer le monde […], de rappeler aux méchants la parole de Dieu et de restaurer la justice».

Son catéchisme, ou plutôt son Coran, était le Livre vert. Sa parole y était sacrée au point que chaque Libyen se devait de l’étudier de l’école primaire à l’Université, avec examens obligatoires. Le livre dévoile les secrets de la «troisième théorie universelle», en fait un prêchi-prêcha confus qui prétend dépasser le combat entre capitalisme et socialisme. La Libye n’aura bientôt plus ni gouvernement, ni Assemblée, ni Constitution, tout le pouvoir étant donné à des comités locaux. Elle devient la Jamahiriya («l’Etat des masses»). Dans l’ombre, Kadhafi, ses proches et ses services secrets tirent les ficelles.

Il voudra aussi tout bousculer. Il va même lancer son propre calendrier qui commence à la date de la mort de Mahomet et dont tous les mois en usage dans le monde arabe seront changés. Il y a le mois de Nasser, en hommage au défunt raïs, celui de Hannibal, en l’honneur du chef carthaginois qui franchit les Alpes, celui des dattes…

Entre assassinats et attentats
Dernier trait de son étonnante personnalité. On sait que plusieurs femmes journalistes faillirent être violées par le dictateur, qui fut marié deux fois et auquel il faut reconnaître qu’il fut un ardent partisan de l’égalité des sexes et hostile à la polygamie. Toute sa vie, on l’a vu entouré de femmes. Pas seulement les fameuses amazones. En 2010, lorsqu’il donne une conférence sur l’islam à Rome, c’est devant un parterre de centaines de jeunes femmes recrutées parmi par des agences d’hôtesses et devant mesurer au moins 1,70 m.

Pas moins cruel que Bachar al-Assad ou Saddam Hussein, et comme eux capable de passer des villes entières au fil de l’épée ; pas moins tyrannique, il était, en revanche, beaucoup plus énigmatique. Dès lors, d’une pitrerie à un assassinat ou un attentat, se pose cette éternelle question de ce qui l’a fait courir dans tous les sens, lui qui aimait si peu voyager. «Il a fini par se prendre pour un prophète, répond Jean-Louis Gouraud. Il était persuadé que tous les grands penseurs venaient du désert. Il disait : «Regardez Moïse, Jésus, Mahomet et regardez-moi.»»

Libye : Eni s’engage à renforcer le développement du gaz et des énergies renouvelables

 

Les pourparlers ont également porté sur les moyens de réduire d’une part, la dépendance du pays aux hydrocarbures et d’autre part, les émissions de CO2. Le but étant d’assurer l’accès à l’électricité pour tous, avec un accent particulier sur les communautés les plus isolées, tout en réduisant l’impact environnemental du secteur énergétique.

Pour mettre en œuvre ce plan, Eni et les autorités libyennes misent sur le développement de nouvelles centrales photovoltaïques avec stockage par batterie, mais aussi sur le développement et l’investissement dans de nouveaux projets de gaz naturel. Ainsi, elle affirme avoir recentré ses activités sur le gaz naturel afin de maximiser la production et satisfaire les besoins actuels et futurs.

« Eni travaille sur les nouveaux projets de développement offshore pertinents tels que Structures A&E, BouriGasUtilization, Sabratha Compression et Hamada, tout en maximisant le développement de nouvelles opportunités » a notamment indiqué, Claudio Descalzi.

A Tripoli, un littoral de déchets borde une mer insalubre

Le front de mer à Tripoli, capitale de la Libye, le 21 août 2021. MAHMUD TURKIA / AFP

 

Dix ans de chaos dans la Libye post-Kadhafi ont eu raison de la qualité des eaux de la capitale libyenne, où la baignade est théoriquement interdite.

Le front de mer à Tripoli, capitale de la Libye, le 21 août 2021. MAHMUD TURKIA / AFP
Des eaux fétides et des montagnes d’ordures : à Tripoli, de nombreuses plages sont interdites à la baignade du fait d’une pollution alarmante, au grand dam des habitants de la capitale libyenne, privés d’un de leurs rares exutoires. S’étendant sur une trentaine de kilomètres dans le grand Tripoli, de nombreuses plages ont été fermées en juillet par le ministère de l’environnement, alors que la saison estivale bat son plein.

C’est cette portion du littoral libyen, bordé par la Méditerranée et long de 1 770 km, qui est la plus polluée de ce vaste pays d’Afrique du Nord. Les eaux marines autour de la capitale, où vivent plus de 2 millions d’habitants, accueillent chaque jour les déversements sans aucun traitement des eaux usées. Auxquels s’ajoutent sacs plastiques, canettes, bouteilles et autres déchets.

Sur l’une des plages, en face d’un grand hôtel, des canaux à ciel ouvert acheminent directement les déjections urbaines vers des bassins peu ragoûtants où des jeunes s’aventurent à la baignade, malgré les risques. « La situation est catastrophique, concède Abdelbasset Al-Miri, responsable de la surveillance du littoral au ministère de l’environnement. Il faut des solutions rapides pour traiter ce problème qui nuit aussi bien à l’environnement qu’à l’Homme. »

« Bactéries »
Cela fait des décennies que la seule station de filtrage des eaux usées de Tripoli est à l’arrêt. Résultat : « Des tonnes de litres d’eaux usées se déversent directement dans la mer chaque jour », reconnaît Sara Al-, du conseil municipal de Tripoli.

Des analyses effectuées récemment montrent que l’eau de mer contient une « forte concentration de bactéries, atteignant 500 % de plus que la normale (…) avec une présence de la bactérie Escherichia coli, très courante dans le tube digestif de l’être humain, retrouvée dans cinq secteurs testés » autour de Tripoli, selon cette responsable. « Nous avons évoqué la question de la pollution de l’eau de mer à Tripoli avec l’ancien et l’actuel gouvernement, en insistant sur l’urgence d’un projet d’assainissement », affirme Mme Naami.

Mais aucun projet d’assainissement n’a vu le jour, d’où la nécessité de trouver « des solutions temporaires » comme « le filtrage des eaux usées avant qu’elles n’atteignent la mer (…) à l’aide notamment de bassins de décantation », préconise-t-elle.

La Libye tente de s’extirper d’une décennie de chaos depuis la chute en 2011 du régime de Mouammar Kadhafi. Un gouvernement a été installé en début d’année pour unifier les institutions et assurer la transition d’ici des élections législatives et présidentielle en décembre.

« Nauséabonde »
En attendant, le quotidien des Libyens reste, lui, rythmé par les coupures de courant quotidiennes, les pénuries de liquidités et l’inflation.

Dans ce pays de quelque 7 millions d’habitants où les activités de loisirs sont quasi inexistantes, la baignade s’apparente dans ce contexte à un exutoire rare pour une population excédée par les conflits.

Si certains estivants font fi des risques sanitaires, d’autres, comme Walid Al-Mouldi, propriétaire d’une boutique de vêtements de sport à Tripoli, se montrent plus prudents pour éviter « de tomber malade ».

« La situation s’est dégradée au fil des ans. Les jours de canicule, l’odeur devient nauséabonde », raconte ce Tripolitain de 39 ans, assis sur une chaise blanche en plastique à quelques mètres de l’eau. « Nous devons alors partir à plus de 100 kilomètres à l’est de Tripoli, à la recherche d’une eau plus propre », raconte-t-il.

« A cause du confinement et de l’insalubrité de l’eau de mer, les Libyens vivent dans une prison estivale », soupire son ami Mohamad Al-Kabir.

Libye : les exportations de brut ont repris dans les ports d’Es Sider et de Ras Lanuf

 

Les manifestations qui ont éclaté la semaine dernière dans les principaux ports pétroliers du pays étaient de nature à affecter l’offre nationale et les cours du brut si les blocages avaient été maintenus.

Le 10 septembre, les exportations de pétrole brut ont repris dans les ports pétroliers d’Es Sider et de Ras Lanuf, après deux jours d’interruption suite à des manifestations. Malgré le retard des expéditions, la production en amont n’a pas été réduite, a expliqué la Compagnie nationale libyenne du pétrole (NOC).

En effet, les exportations de pétrole avaient été interrompues après qu’un groupe de manifestants s’est introduit à l’intérieur des deux ports pour d’une part protester contre le maintien de Mustafa Sanallah au poste de patron de la NOC et d’autre part, réclamer des emplois pour de nouveaux jeunes diplômés.

Pour Mustafa Sanallah, cette situation est due à des manœuvres politiques de déstabilisation de la société. « Nous n’accepterons jamais la politisation de la société et son utilisation comme monnaie d’échange par certains politiciens pour atteindre des intérêts et des programmes non nationaux » a-t-il martelé.

Saluant le rôle de l’armée nationale libyenne (LNA) qui a rétabli la sécurité dans les deux ports, Sanallah n’a pas manqué de rappeler que la NOC est la gardienne fidèle de la richesse pétrolière de la Libye depuis la révolution de 2011. Par ailleurs, il a demandé que les « mains invisibles » derrière ces événements soient tenues pour responsables et traduites en justice.

Il faut rappeler que depuis la chute du régime Kadhafi en 2011 et la situation chaotique qu’elle a engendrée, les périmètres pétroliers du pays sont le théâtre de manifestations et mouvements de revendications divers. Si de telles situations se multiplient au cours des mois à venir, elles pourraient entraver la reprise de la production en cours.

La Libye à quatre mois des élections libres, selon « Libyan Affairs »

En prévision de la tenue, le 24 décembre 2021, des élections générales en Libye et de l’enjeu de leurs résultats pour les travailleurs et exportateurs tunisiens, lesquels comptent beaucoup sur la stabilisation et la pacification de ce pays voisin, soit pour chercher du travail, soit pour faire des affaires, la revue bimensuelle trilingue (arabe, français et anglais) Libyan Affairs vient de publier un numéro spécial sur cet événement et les développements de la situation qui prévaut dans ce pays.

L’objectif de ce numéro spécial, réalisé en partenariat avec la fondation allemande Hanns Seidel, est de fournir à un lectorat averti des éclairages sur le rapport des forces en place et sur les manœuvres des puissances régionales et internationales dans ce pays.

Rédigés par des spécialistes de la question libyenne, les articles, de grande facture, traitent dans la partie d’expression arabe des exigences et des priorités de la transition politique du pays, de la future Constitution libyenne, des menaces qui pèsent sur le rêve libyen, de l’indépendance de la décision libyenne des alliances étrangères, de l’immunisation du pays contre de nouveaux conflits violents, de la décentralisation dans la nouvelle Constitution du pays.

Obstacles et menaces

C’est ainsi qu’on trouve, dans la partie anglaise, des articles traitant des avancées sur le retrait des forces étrangères (20 à 30 mille mercenaires), des ombres qui planent sur les progrès politiques et de l’enjeu de faire respecter l’embargo sur les armes.

Certains articles concernent les pays voisins de la Libye : « Pourquoi l’Algérie est hors jeu en Libye ? » ; « La mort d’Idriss Déby, une affaire tchadienne pas un complot russe » ; « L’Egypte veut peser dans la reconstruction de la Libye »…

Un article est consacré à la position de l’Allemagne qui a abrité une partie des conférences sur la pacification de la Libye, avec ce titre : «l’Allemagne au-dessus de la mêlée libyenne».

Mention spéciale pour un article qui traite de l’atrocité de cette guerre fratricide, l’utilisation, selon l’ONU, de robots tueurs : «des robots tueurs ont-ils fait leurs premières victimes en Libye ?».

Dans la partie en anglais, les articles traitent des obstacles qui peuvent entraver l’échéance électorale de décembre prochain «Six obstacles on the road to libya’s elections » ; des espoirs de reconstruction « libya : Hopes for reconstruction boom clash with reality on the ground » ; sur les hautes études en Libye : « Higher education in Libya, system under stress ».

Vers un compromis historique

Globalement, l’ensemble des articles relèvent, en filigrane, que l’organisation d’élections libres en Libye demeure la condition sine qua non pour la reconstruction de ce pays.

Ils traitent également des obstacles et handicaps, s’agissant notamment de l’absence d’une Constitution et d’une loi électorale.

Mais sous la pression internationale, toutes les parties croient à un compromis historique, du genre “la formation d’un gouvernement d’union nationale“…

Wait and see.

 

 

 

«Affaires Libyennes» : qui sont les nouveaux gouvernants de la Libye ?

 

Le nouveau numéro de la revue bimestrielle «Affaires Libyennes» éditée par le Centre Maghrébin d’études sur la Libye (CMEL) en arabe, français et anglais, vient de voir le jour. Editée avec le soutien de la Fondation Hanns Seidel et dirigée par Rachid Khechana, elle aligne des études historiques et sociologiques sur la Libye contemporaine et les défis internes et externes auxquels elle doit faire face.

Sept articles meublent la partie arabophone de ce numéro (160 pages), dont une étude sur les défis sécuritaires dans le sud libyen, après l’assassinat du président tchadien Idriss Deby. La revue publie également le projet de constitution préparé par la « commission des 60 » regroupant des représentants des différentes régions du pays. Enfin, Jalel Harchaoui nous présente les nouveaux gouvernants de la Libye.

La partie anglophone comporte trois articles portant sur le devenir de la crise libyenne et les enjeux locaux et internationaux qui y interfèrent.

Quant à la partie francophone qui est la plus riche, elle comporte quatre articles d’un très haut niveau signés Hassina Mechai, Moncef Djaziri, Olivier Piot et Kiri Santer.

Dans un article intitulé «Face à l’échec de la «démocratisation» par la guerre, que faire ? », Moncef Djaziri fait le bilan de la guerre déclenchée par les occidentaux contre la Libye, considérant qu’il était désastreux aussi bien pour la population que pour les institutions. Mais y-avait-il vraiment des institutions dans la Jamahiriya de Kadhafi ?

Betty ROULAND et Mounir JARRAYA analysent quant à eux, l’émergence d’un espace de soins transnational et du processus de régionalisation « par le bas » à travers l’étude de cas de patients libyens recourant aux services des cliniques privées dans la ville de Sfax. Si les mobilités médicales des Libyens en Tunisie s’inscrivent dans des logiques de contiguïtés antérieures aux soulèvements populaires de 2011 (géographique, culturelle, politique, historique), l’escalade de violences qui règne depuis lors dans le pays a entraîné une augmentation accrue de la patientèle libyenne et de l’offre de santé privée à Sfax.

Dans la mesure où les données «officielles» s’avèrent en décalage avec les logiques de circulations déployées par les patients libyens, ce papier vise à déconstruire des catégories dichotomiques peu significatives («touriste médical» vs «réfugié»). La méthodologie développée s’appuie sur une enquête par questionnaire auprès des patients libyens (n = 205) dans quatre cliniques privées de la ville de Sfax, ainsi que des entretiens semi-directifs menés avec des professionnels du (para)médical entre 2014 et 2015.

Impulsé par les investissements des professionnels de santé locaux, le développement du secteur privé de santé à Sfax est endogène et repose sur une patientèle provenant très majoritairement de Libye. Depuis les années 1960, l’évolution du contexte géopolitique régional produit des figures migratoires (diaspora, voyageur médical, blessés de guerre, patients transnationaux) et des spatialités spécifiques (échelle transfrontalière, intra-régionale).

Les résultats collectés ont permis d’identifier quatre périodes géopolitiques clés :

(1) la systémogénèse des échanges facilités par la présence de la diaspora libyenne et les accords bilatéraux entre les deux pays;

(2) l’émergence de l’industrie du tourisme médical dans un contexte d’embargo;

(3) la situation de crise de 2011 et l’afflux des blessés de guerre;

(4) l’accroissement des circulations thérapeutiques et l’émergence d’un espace de soins transnational résultant de la guerre en Libye.

 

L’exil des Libyens en Tunisie s’éternise, l’espoir s’amenuise

Ras Ajdir . Le point de passage est relativement calme depuis que l 'armée libyenne bloque épisodiquement la route entre tripoli et Ras Dejir. Les refugies sont fatigues, souvent ils ont du laisser leur voiture et marcher pendant des jours. Apres le control et le passage, ils rejoignent des bus qui les amènent au camp d Achoucha /// Une famille arrive de libye. Ils ont marches pendant 2 jours

Dix ans après le début de la révolte contre Mouammar Kadhafi, les Libyens installés en Tunisie voisine espèrent rentrer un jour chez eux. Mais ils restent sceptiques quant aux élections annoncées pour décembre.

Dix ans après le début de la révolte contre Mouammar Kadhafi, les Libyens installés en Tunisie voisine espèrent rentrer un jour chez eux. Mais ils restent sceptiques quant aux élections annoncées pour décembre.

Ibrahim a la voix qui se noue lorsqu’il évoque sa jeunesse en Libye. Après dix ans d’exil à Tunis, il rêve de rentrer auprès des siens à Tripoli. Marié à une Tunisienne, ce Libyen de 38 ans a fui en 2011, après avoir été accusé d’être pro-Kadhafi, kidnappé et jeté en prison pendant huit mois, comme nombre de ses compatriotes.

Une fois en Tunisie, il s’est d’abord installé dans un quartier tunisois peuplé par une importante communauté libyenne, puis s’en est éloigné par peur des représailles mais aussi car sa situation économique s’est dégradée. « Au début ça allait, ma famille m’envoyait de l’argent et d’anciens responsables aidaient financièrement les Libyens à Tunis, mais maintenant c’est de pire en pire », déplore cet ancien chauffeur de mini-bus.

Ce père de trois enfants travaille désormais dans les champs pour une centaine d’euros par mois, loin de l’image habituelle d’une diaspora libyenne fortunée. S’il se sent intégré, il évoque des difficultés rencontrées auprès des autorités notamment pour inscrire ses enfants à l’école, qu’il a préféré enregistrer comme Tunisiens.

Difficile d’évaluer le nombre de Libyens en Tunisie

Comme lui, beaucoup ont fui le pays après le début des manifestations à Benghazi le 15 février 2011, suivies de la chute de Mouammar Kadhafi. Mais le conflit s’éternisant, ils ont été rejoints par de nombreux autres compatriotes, qui n’ont pas besoin de visa pour franchir la frontière conformément à un accord bilatéral entre les deux pays. Il est difficile d’évaluer le nombre de Libyens installés en Tunisie, en l’absence de statistiques officielles et tant les allers-retours sont fréquents.

La paix est-elle possible en Libye ?

Fouad al-Awam, lui, est arrivé en 2013. Aujourd’hui à la tête d’une chaîne de restaurants, il vit toujours entre les deux pays. « Ma femme et mes six enfants vivent en Libye et font les allers-retours », explique l’homme d’affaires, installé dans son bureau d’une banlieue cossue de Tunis. Lui aussi a fui après s’être fait kidnapper par une milice « affiliée aux islamistes », à Tripoli. « On considérait que j’étais avec le régime, car je travaillais dans une commission publique pour la presse », affirme le quadragénaire, dont les mains se crispent lorsqu’il fait le récit douloureux de sa captivité et des tortures subies.

L’élection du 5 février, une « mascarade »

S’il se sent bien en Tunisie, ce natif de Benghazi rêve de rentrer chez lui. Mais, tout comme Ibrahim, il a peu d’espoir face à ce qu’il dénonce comme « une mascarade », à savoir l’élection le 5 février de nouveaux dirigeants par 74 représentants choisis dans le cadre du dialogue politique mené sous l’égide de l’ONU et censés préparer des élections pour décembre.

L’ONU choisit enfin son émissaire en Libye

« Les gens à l’ONU étaient déjà avec le système d’avant, je ne crois pas en eux », explique Ibrahim, qui ne voterait que « pour Saif al-Islam », le fils de Kadhafi, dont le sort reste un mystère. Fouad al-Awam accuse même les puissances étrangères de vouloir faire « de la Libye un nouvel Irak » : « L’ONU, l’UE, l’Italie, la France, ne veulent pas que la Libye se stabilise car le pays est riche en ressources : pétrole, phosphates, or… et ils veulent leur part. » Lui-même rêve d’« un gouvernement fort et souverain », une solution impossible à ses yeux en raison des ingérences étrangères comme des milices libyennes.

Tunisie-Libye : Kaïs Saïed peut-il ouvrir un nouveau chapitre ?

 

La visite du président tunisien en Libye le 17 mars est censée donner le coup d’envoi à une coopération renouvelée entre les deux pays. Mais la crise de l’exécutif tunisien et les différentes influences au sein des nouvelles autorités libyennes risquent de freiner ce nouvel élan.

« Historique » ! Le président du conseil Libyen, Mohamed El-Menfi n’a pas mâché ses mots pour qualifier la visite de Kaïs Saïed en Libye mercredi 17 mars. Ce dernier a été lé premier chef d’État à y faire le déplacement pour féliciter les autorités par intérim fraichement élues. Et le deuxième président tunisien à se rendre sur place depuis Moncef Marzouki en 2012, après donc une longue absence dans un contexte sécuritaire tendu.

Ce voyage express, aux côtés de son ministre des Affaires étrangères, Othman Jerandi, à Tripoli avait avant tout une dimension politique et symbolique. Il est venu y réaffirmer son soutien à la transition voisine et la volonté d’établir « de nouvelles traditions de coordination et de concertation ». Ce qui a fait notamment dire à Jerandi que ce geste ouvrirait « une nouvelle page » dans les relations bilatérales.

«IL S’AGISSAIT D’UNE VISITE DE COURTOISIE ET NON PAS DE TRAVAIL»

Mais derrière les déclarations d’intention, cette relance pourra-t-elle se concrétiser ? « Ce déplacement était très attendu pour renouer les contacts de haut niveau, mais il s’agissait d’une visite de courtoisie et non pas de travail, commente un diplomate, elle aurait dû être préparée plus activement en concertation avec les ministères comme il est d’usage ». Or, la crise de l’exécutif tunisien n’a pas permis ces échanges en amont. La stabilité politique en Tunisie est donc désormais perçue par nombre d’observateurs comme un préalable à toute avancée bilatérale.

« Si le parlement ne passe pas les lois correspondant et si le gouvernement ne prend pas d’initiatives pour faciliter certains points, les promesses du président peuvent rester des paroles en l’air », commente le chercheur en relations internationales et directeur du centre Columbia de Tunis, Youssef Cherif.

Sortir de la neutralité ?
Les visites du chef de gouvernement, Hichem Mechichi, et du président de l’Assemblée des représentants du peuple, Rached Ghannouchi, sont d’ailleurs espérées dans la foulée de ce déplacement.

[Chronique] Kadhafi, Sarkozy, Macron… Et maintenant ?

 

Emmanuel Macron a estimé que la France, à l’initiative de l’intervention militaire de 2011 qui a conduit à la chute de Kadhafi, avait une « dette » à l’égard de la Libye. Prise de conscience historique ou coup politique porté à Nicolas Sarkozy ?

Emmanuel Macron ne rechigne jamais à reconnaître les errements politiques… des autres. En particulier en Afrique. En 2017, alors qu’il était candidat à la présidence de la République française, c’est à Alger qu’il avait qualifié de « crime contre l’humanité » des faits de colonisation antérieurs à sa propre naissance.

Ce 23 mars 2021, dix ans après les événements qui conduisirent à la télé-réalité morbide d’un Mouammar Kadhafi sanguinolent, le président français a lancé l’une de ses analyses lapidaires dont il a le secret : « Nous avons une dette envers la Libye, très claire : une décennie de désordre ». Réservant toujours ses sentences à portée historique à ceux qui veulent les entendre, il s’adressait aux nouveaux dirigeants libyens reçus à l’Élysée.

Sarkozy échaudé
Volontiers paranoïaque, le prédécesseur de son prédécesseur pourrait y deviner un clou supplémentaire dans le cercueil de sa vie politique. Car c’est sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy que fut enclenchée l’intervention française de 2011. Un Nicolas Sarkozy échaudé par l’affaire rocambolesque des infirmières bulgares, ainsi que par le séjour parisien baroque du Guide de la Jamahiriya arabe libyenne.

Quant à l’écheveau judiciaire dans lequel se débat actuellement l’adversaire putatif de Macron à l’élection de 2022, il comprend une mise en examen pour « corruption passive » en rapport avec la Libye, pour « recel de fonds libyens », pour « association de malfaiteurs » et pour « financement illégal » de la campagne présidentielle du candidat de la droite en 2007.

Langue de bois
À l’heure du mea culpa macronien, l’évocation de rancœurs personnelles Sarkozy-Kadhafi ou Macron-Sarkozy ne fera pas oublier que 2011 ne fut pas qu’une mélo-tragédie franco-libyenne. Chacun voyant midi tripolitain à sa porte sahélienne, les observateurs de l’Afrique subsaharienne – en particulier francophone – rappellent l’effet papillon qui suivit l’intervention française en Jamahiriya.

Tout autant que la manne financière du chantre des États-Unis d’Afrique a manqué, pendant cette décennie, à certains chefs d’État de ses amis, la dispersion de combattants en armes dans toute la région du Sahel ne fut pas étrangère à la déstabilisation sécuritaire autour du Sahara.

« DE L’AVIS DE TOUS, IL FAUDRA PLUS QUE DES MOTS SUR LE PARVIS DE L’ELYSÉE »

Depuis l’acte de contrition d’Emmanuel Macron – qui n’est pas sans rappeler celui de Barack Obama en 2016 –, la presse ouest-africaine bruisse de réactions qui oscillent entre « C’est pas trop tôt » et « Fallait y penser avant ». Au Mali, au Niger ou au Tchad, des experts ou des citoyens lambda espèrent que cette prise de conscience d’une France en perte de vitesse dans une Libye productrice de pétrole et rond-point de migrants sera le point de départ d’une quête de stabilité.

Mais, de l’avis de tous, il faudra plus que des mots sur le parvis de l’Élysée. Sahel échaudé craint la langue de bois…