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Nîmes, fouilles du parking avenue Jean-Jaurès (responsables J-Y Breuil, B. Houix) / J. Vial, P. Pliskine, M-F Bernard, Inrap

Des chercheurs de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ont annoncé, mercredi 24 février, dans la revue scientifique américaine PlosOne, la mise au jour de trois sépultures musulmanes à Nîmes. La découverte a eu lieu au cours d’un chantier de fouilles, en 2006-2007, qui devait précéder la construction d’un parking souterrain. Ces tombes sont datées entre les VIIe et IXe siècles. Il s’agit des plus anciennes sépultures musulmanes découvertes en France, donc du premier témoignage archéologique d’une présence musulmane à cette époque.

Les tombes font partie d’un groupe de vingt sépultures découvertes au cours des fouilles, datant de plusieurs époques, des VIIe au XVIesiècles. Ces trois sépultures se distinguaient des autres par la position des corps, déposés sur le côté droit et le visage orienté vers le sud-est. Dans un communiqué, l’Inrap précise que « la position du corps, la tête orientée vers la Mecque comme le dépôt direct dans une fosse sont des caractéristiques évoquant les rites musulmans ».

Grâce à une analyse paléogénétique réalisée dans un laboratoire à Bordeaux, les chercheurs ont pu identifier l’origine des trois individus, qui seraient nord-africains, « du moins en ce qui concerne leur lignée paternelle ». A partir de là, les chercheurs émettent l’hypothèse qu’il puisse s’agir de soldats berbères, enrôlés dans l’armée omeyyade pendant l’expansion arabe en Afrique du Nord. Jean-Yves Breuil, archéologue à l’Inrap, a précisé au Mondeque l’hypothèse des soldats était la plus logique, puisqu’il s’agit des « premiers groupes musulmans arrivés en Europe », dans le cadre de la conquête.

Pourquoi est-ce une découverte importante ?

La présence musulmane en Espagne est attestée, après la conquête de la fin du VIIe siècle, par de nombreuses traces archéologiques. Mais on ne disposait pas de preuves physiques de leur présence en France à cette époque-là. « Il y a des tombes musulmanes du XIIe siècle à Marseille et à Montpellier, précise Jean-Yves Breuil, mais celles de Nîmes sont les plus anciennes qu’on ait jamais trouvées. » Ces informations rejoignent des sources historiques qui attesteraient de la présence musulmane à Nîmes dès 720. 

Mais la découverte de ces sépultures soulève aussi d’autres questions. « Ces trois hommes ont été enterrés par d’autres qui connaissaient parfaitement le rite musulman, explique Jean-Yves Breuil. Cela signifie qu’il y avait au moins un petit groupe, qui est resté quelques années à Nîmes, puisque certains y sont morts et que d’autres étaient là pour les enterrer. » L’un des hommes étant assez âgé, autour de cinquante ans, on peut donc imaginer qu’il est « resté assez longtemps » à Nîmes.

Deuxième élément essentiel, la place des tombes, retrouvées à l’intérieur de la ville antique, « près d’un chemin médiéval » et à une dizaine de mètres de tombes chrétiennes. « Elles ne sont pas reléguées dans un lieu sans signification, souligne Jean-Yves Breuil. Au contraire, elles sont dans la ville antique, ce qui, à l’époque, a du sens pour les gens du coin. » Est-ce à dire qu’un groupe de musulmans a pu cohabiter avec la communauté wisigothique de Nîmes, pendant quelques années, autour de 720 ? « Il est difficile de dire dans quelles conditions, si c’était une cohabitation subie ou non, si les rapports étaient pacifiques ou pas », tempère Jean-Yves Breuil. Mais il est certain que cette découverte va « plutôt dans ce sens » et pourrait nuancer l’idée que les musulmans n’auraient fait que des « incursions » dans une logique de conquête. Au contraire, cette découverte tend à montrer qu’un rapport de cohabitation a pu s’instaurer avec la population locale.

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