La rencontre du Premier ministre Faïez el-Serraj et du général Haftar à La Celle-Saint-Cloud a débouché sur une déclaration conjointe à minima, qui prévoit un cessez-le-feu et la tenue d’élections.

Rencontre interlibyenne : Macron décroche une double signature
Depuis son élection, Emmanuel Macron s’est à plusieurs reprises paré des habits de chef de guerre. Ce mardi, il a tenté d’endosser ceux de faiseur de paix. En réunissant dans une même salle du château de La Celle-Saint-Cloud, Faïez el-Serraj, à la tête du Conseil présidentiel libyen, et Khalifa Haftar, le général qui contrôle la moitié Est du pays, le Président français réussit un beau coup diplomatique. Haftar avait refusé de croiser Serraj au Caire en février. Les deux rivaux s’étaient ensuite rencontrés en mai à Abou Dhabi, mais sans se mettre d’accord sur une déclaration conjointe.

Cette fois-ci, pour la première fois, le Premier ministre reconnu par la communauté internationale et le militaire rebelle à la tête de l’autoproclamée armée nationale libyenne ont signé un document commun. «Nous nous engageons à un cessez-le-feu et à nous abstenir de tout recours à la force armée pour ce qui ne ressort pas strictement de la lutte antiterroriste», dit le texte de la déclaration. Tiendra-t-il sur le terrain ? Jusqu’à présent, les offensives des troupes du général Haftar ont systématiquement été justifiées par une rhétorique antijihadiste…

Les deux hommes rappellent aussi que «la solution à la crise libyenne ne peut être que politique et passe par un processus de réconciliation nationale associant tous les Libyens». Ils s’engagent à «déployer tous les efforts pour intégrer les combattants qui le souhaitent dans les forces régulières et appeler au désarmement, à la démobilisation et à la réintégration des autres dans la vie civile». Ils prennent enfin «l’engagement solennel d’œuvrer pour la tenue des élections présidentielle et parlementaire dès que possible».

Minimal

Voilà pour les grandes lignes, consensuelles, de la déclaration conjointe. Mais il faut surtout remarquer les vides : la réforme du Conseil présidentiel (évoquée par le passé pour inclure Haftar dans un triumvirat), l’autorité du pouvoir civil sur l’armée (que le général refuse obstinément), et la reconnaissance de la légitimité de Faïez el-Serraj par les institutions de l’Est du pays. Trois points de blocage qui n’ont pas été levés.

En réalité, le texte est assez minimal, mais il a le mérite d’exister. Aucun des deux leaders n’a voulu s’engager davantage, de peur d’être incapable de faire accepter les compromis à son propre camp de retour en Libye. C’est particulièrement vrai pour Serraj, qui a conclu un pacte avec des milices de la capitale Tripoli pour assurer la sécurité de son gouvernement. Même la moitié Ouest échappe largement à son contrôle : la puissante ville de Misrata et les brigades islamistes issues de la révolution de 2011 se méfient du Premier ministre, trop enclin selon eux à faire des concessions à Haftar, perçu comme un homme de l’ancien régime.

Le général est sans doute le grand gagnant de la réunion de La Celle-Saint-Cloud. Soutenu militairement par l’Egypte et les Emirats arabes unis, et dans une moindre mesure par la Russie, il est désormais adoubé par la France. Il y a dix-huit mois, il était pourtant considéré comme un obstacle au processus de paix. Mais il s’est progressivement rendu incontournable, notamment par ses conquêtes militaires, marquées par des accusations récurrentes d’exécutions sommaires de prisonniers. Sous Hollande, l’armée française lui a apporté un appui secret au nom de la lutte antiterroriste. Sous Macron, au nom du «pragmatisme» défendu par l’Elysée, Haftar a pu serrer la main du Président.

 

 

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