L’Instance constitutionnelle libyenne a voté, samedi dernier à Al Bayda, en faveur d’un projet de Constitution, ouvrant la voie à l’organisation par le Parlement d’un référendum populaire pour l’adoption dudit projet. L’Est libyen et les minorités toubou et touareg déplorent l’absence de compromis.
Le président de l’Instance constitutionnelle libyenne, Nouh Abdessayed Al Moghrabi, a déclaré dimanche matin aux médias que le projet de Constitution a été adopté par 43 membres sur les 44 présents, ce qui dépasse les deux tiers + 1, requis par la proclamation constitutionnelle de 2011. Ce texte de 197 articles stipule que la Libye est une République dotée d’un Président, d’un Parlement et d’un Sénat. Que Tripoli est la capitale, l’islam la religion d’Etat, et la Charia source de la législation. Les langues des communautés arabe, amazighe, touareg et toubou seront reconnues comme «langues officielles».

Les observateurs, sur place à Al Bayda (200 kilomètres de Benghazi), croient utile de souligner que le consensus autour de ce projet était absent dans la mesure où 10 membres, principalement de l’Est, ont quitté la salle juste avant le vote, réclamant son ajournement. En plus, les deux membres représentant la communauté toubou ont boycotté cette réunion parce qu’ils considèrent que les revendications de leur communauté n’ont pas été satisfaites.

Cela veut donc dire que cette proposition n’a pas satisfait l’Est et les minorités (toubou et touareg). Ces dernières n’ayant pas encore de représentants au sein de l’instance. Elles ont boycotté les élections de 2015 pour l’élection de leurs représentants. Les deux représentants de la communauté toubou, Khaled Wahli et Hamed Senoussi, ont publié dimanche un communiqué signifiant leur opposition au projet et relevant qu’il «ne respecte pas les termes du compromis passé avec la communauté toubou».

Wahli et Senoussi ont mis l’accent sur le fait que le projet «a dévié du plus important principe de la proclamation constitutionnelle de 2011, disant que le consensus est la règle de gestion des différends entre la communauté arabe majoritaire et les communautés toubou, touareg et amazighe».

Vote sous haute tension

En plus de ces divergences politiques, la réunion du vote a été émaillée de perturbations. En effet, et suite à la sortie des dix membres refusant de passer au vote, la salle a été investie par un groupe de manifestants réclamant l’annulation du vote et la tenue d’une autre réunion le lendemain.

Les manifestants ont même pris en otages certains membres de l’instance pour faire pression. Pour apaiser la tension, le président de l’instance, Nouh Abdessayed Al Moghrabi, a publié un communiqué appelant à une réunion le lendemain, «pour refaire le vote», mentionnant que cela a été décidé «sous la pression des masses populaires».

Al Moghrabi a ensuite déclaré au journal Al Wassat qu’aucune réunion n’a été prévue le lendemain dimanche 30 juillet pour la bonne raison que «la pression des masses populaires n’est pas une raison réglementaire pour refaire un vote». Cette tension n’a pas empêché le chef du Conseil présidentiel en Libye, Fayez Al Sarraj, de se féliciter dans un communiqué sur sa page Facebook du vote par l’Instance constitutionnelle de ce projet de Constitution, appelant à organiser comme prévu un référendum pour faire adopter le texte par les Libyens.

Al Sarraj a notamment dit qu’il est «nécessaire que les libertés d’opinion et d’expression soient respectées par tous ainsi que le droit de tous les Libyens de choisir leur mode de vie sans terreur ni menace». Al Sarraj a appelé en outre la classe politique à «créer un climat adéquat» pour soumettre à référendum le projet de Constitution.

Pour sa part, le rapporteur de l’Instance constitutionnelle, Romdhane Abdessalem Touijar, a appelé les différentes tendances politiques libyennes à évaluer de manière «neutre et objective» le projet soumis au peuple libyen et de «limiter leur rivalité aux domaines de l’édification de l’Etat et le rétablissement de la stabilité». Entre-temps, les actions de réconciliation et de rétablissement de l’ordre se poursuivent partout en Libye. Ainsi, le président du Parlement, Salah Aguila, a rencontré au Caire le chef de l’état-major égyptien, Mahmoud Hejazi, en charge du dossier libyen. Hejazi a également rencontré une délégation de Misrata.

L’Egypte travaille sur une réconciliation entre l’Est libyen et Misrata. En plus, la section sécuritaire de la délégation de l’ONU a visité Benghazi et compte aller à Sebha pour concevoir une stratégie globale de sécurité sur tout le territoire. L’ancien membre du Conseil national de transition en Libye, Khaled Sayah, pense que «les Libyens sont certes plus que jamais convaincus par la réconciliation mais que beaucoup reste à faire».

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