« Nous avons retrouvé la ville pillée, des maisons en ruines, nos oliviers brûlés ». Assis dans ce qui était jadis le salon de sa maison, Moftah raconte sa désillusion en rentrant chez lui, dans l’ouest de la Libye, après des années d’exil.

Al-Goualiche, perché sur les hauteurs du Djebel Nefoussa, à 120 km à l’ouest de Tripoli, a payé le prix de son soutien à l’ancien dictateur Mouammar Kadhafi, capturé et tué par les rebelles en octobre 2011. La révolte avait plongé le pays dans le chaos.

Cette ville de moins de 10.000 habitants présente un paysage de désolation: maisons calcinées balayées par le vent et la poussière, pas d’accès aux services de base, écoles détruites ou inutilisables.

« C’était le 6 juillet 2011 », se rappelle Moftah Mohamad: c’est le jour précis où il a dû tout abandonner pour fuir avec sa famille, tout comme les autres habitants d’Al-Goualiche, devenue ville fantôme depuis.

Cette bourgade était alors la cible des « bombardements continus de l’Otan » –allié des rebelles– qui visaient les forces loyales à Kadhafi. « Rester c’était mourir », raconte le quadragénaire.

La peur de représailles de la part de villes voisines, qui avaient pris fait et cause pour les rebelles, a empêché ensuite les habitants de revenir.

Maisons insalubres
L’ONU, qui tente depuis des années d’arracher un accord entre les différents acteurs politiques en Libye, encourage sur le terrain à un travail de réconciliation au sein de population où les rancoeurs et désirs de revanches sont encore vifs, prônant notamment un retour des déplacés chez eux.

Dans ce cadre, un accord de réconciliation a été signé en 2015 entre les villes du Djebel Nefoussa, permettant ce retour, avec des promesses d’aide financière à la clé.

Même si Moftah Mohamad est accablé de voir ce qui reste de sa maison, sans porte ni fenêtre, il dit avoir préféré malgré tout rentrer chez lui. « C’est mieux que de continuer à errer de ville en ville », dit-il.

Mais il reconnaît avoir été très déçu de voir que rien n’avait été fait pour aider à son retour.

« Cinq ou six commissions gouvernementales se sont succédé sans rien changer à notre sort », regrette-t-il.

Non loin, Mohamad Boukraa inspecte sa maison aux murs calcinés, s’appuyant sur sa béquille et sur ses deux petits-fils.

Ce septuagénaire a décidé de rentrer à al-Goualiche il y a quelques mois après plus de sept ans d’exil. « Quand j’ai vu ma maison et celles de mes deux fils brûlées, je me suis effondré », raconte-t-il.

Le maire de la ville ne cache pas non plus son impatience.

« Les habitants attendent les indemnisations pour pouvoir réparer leurs maisons et les rendre salubres », explique Said Amer.

« Certaines familles sont obligées de vivre dans des maisons calcinées, ne réalisant pas le risque que cela représente pour leur santé et celle de leurs enfants », s’inquiète-t-il.

Promesses non tenues
Outre les infrastructures publiques, la mairie d’al-Goualiche a recensé, selon lui, 1.600 dossiers d’indemnisations aux familles toujours en suspens.

Pour le gouvernement, les difficultés financières sont les principales entraves à la reconstruction des villes comme al-Goualiche.

Le retour des déplacés « nécessite un plan de développement et des financements importants pour la reconstruction que nous n’avons pas », déclare à l’AFP Youssef Jalala, ministre des Affaires des populations déplacées du Gouvernement d’union nationale (GNA), basé à Tripoli.

Selon lui, la faute est surtout à imputer à la communauté internationale.

« A maintes reprises, la communauté internationale a fait des promesses pour aider à la reconstruction des villes sinistrées mais rien n’a été concrétisé », déplore-t-il.

La Libye compte actuellement quelque 187.000 déplacés, selon les statistiques de décembre 2018 de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Human Rights Watch (HRW) a de son côté tiré la sonnette d’alarme jeudi sur le sort des habitants déplacés de Taouarga (nord-est), une autre ville qui avait pris le parti de Kadhafi en 2011.

Selon elle, la plupart des 48.000 habitants de cette ville n’ont pu revenir chez eux depuis sept ans.

« Le GNA (…) est tenu de faciliter le retour volontaire, sûr et digne des personnes déplacées dans leurs foyers et de les aider à retrouver leurs maisons et leurs biens », a indiqué l’ONG dans un communiqué.

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