Rassemblement à Tataouine, le 23 juin, pour demander la libération de manifestants détenus pour trouble à l’ordre public. Photo Fathi Nasri. AFP

 

Toutes les semaines, chronique de la vie quotidienne, sociale et culturelle dans les pays arabes. Ce samedi, début d’un retour à la normale dans un pays qui patauge.

La Tunisie rouvre ses frontières ce samedi et l’imminence d’un retour (presque) à la normale traîne ses doutes, ses petites et grandes histoires – le pays, qui a plutôt bien encaissé la crise, pourra-t-il gérer sa diaspora et autres voyageurs qui reviennent ou arrivent de loin ?

Cas pratique, et répétition pour la suite : il y a une dizaine de jours, une Tunisienne, rapatriée après avoir été bloquée à l’étranger, s’est affranchie, selon les médias locaux, des règles de quarantaine (celle-ci varie en fonction de la destination, entre autres). Pour assister à un mariage. Tout y est : pandémie, égoïsme, inconscience, amour, puisque son fiancé l’aurait aidée à faire le mur. Alors qu’elle était positive au Covid-19.

Des dizaines de personnes qu’elle aurait côtoyées se sont retrouvées à l’isolement, dont les agents qui l’ont interpellée. L’imaginaire travaille fort dans ces cas-ci. On la fantasme en psychopathe capable d’embarquer des dizaines de vies avec elle pour deux déhanchés et trois sucreries. Et le raccourci aura vite fait d’être bâclé si cela vrillait cet été : ces gens de l’extérieur, Tunisiens ou pas, ne respectent pas grand-chose.

Au vrai, le pays patauge dans un jus de crâne salé. La saison touristique, qui remplit des caisses au régime sec, est compromise et le Covid-19, comme ailleurs, produit nervosité, inquiétude et par endroits, mobilisations. Dans le Sud, Tataouine bout, crispée par un marché de l’emploi famélique et des promesses non tenues.

Opacité des autorités
Depuis la révolution, des régions où se trouvent des matières premières dénoncent publiquement l’opacité de l’Etat quant à ses engagements avec des entreprises étrangères. Un manifestant, sur France 24 : «Je travaille dans un chantier, alors qu’il y a du pétrole à côté.»

A l’extérieur, la Libye, qui employait jadis des centaines de milliers de Tunisiens est une contrée dont les frontières intérieures, elles, ne sont quasiment plus définies. Russes et turcs l’ont envahie, l’Egypte veut s’en mêler. Si le voisin explose, comment la Tunisie pourra-t-elle esquiver les déflagrations ?

Kaïs Saïed, le président, était en France, quelques semaines après les débats au Parlement, dont une petite frange réclamaient excuses et réparations à l’ancienne puissance coloniale. Il rentre au pays avec une énième promesse d’aide (350 millions d’euros) et le projet d’une ligne de TGV pouvant relier le nord au sud. Il repart après avoir accordé une interview au Monde.

Pyramide molle
En théorie, il est pile là où ses jeunes électeurs l’attendaient, en l’occurrence les constats fluides : la Tunisie a de l’argent, simplement la corruption bien ancrée a tout brouillé et donné l’impression d’un Etat en délabrement continu.

En pratique, c’est plus complexe et flou. Un esprit cynique y verrait une pyramide molle, type flan : depuis des décennies, le pays dépend de promesses de l’extérieur, qui font dépendre les promesses faites aux populations à l’intérieur.

Il dit : «J’avais conseillé aux manifestants d’élaborer des projets sans attendre que l’Etat décide pour eux. Ils ne m’ont pas écouté, mais je vais les recevoir d’ici quelques jours et leur tiendrai ce même discours. Et nous allons mettre en place un plan de développement régional pour répondre à leurs besoins.» En somme de l’imiter. Après tout, il est devenu président sans structure. En s’organisant par lui-même.

Commentaires