Le premier ministre et l’exécutif élus vendredi doivent réunir les institutions de l’Ouest et de l’Est et préparer des élections générales.

Ce samedi, la Libye s’est réveillée avec un nouvel exécutif uni. Le Forum du dialogue politique libyen (LPDF), réuni à Genève sous l’égide de l’ONU, a effectivement élu vendredi un Conseil présidentiel – cabinet resserré – de trois membres et un premier ministre. Ceux-ci auront la lourde tâche de mettre en place un gouvernement unique alors que deux autorités s’affrontent, plus ou moins violemment, depuis 2014.

C’est au second tour que la liste numéro une a été élue vendredi en milieu d’après-midi par les 75 délégués du LPDF sélectionnés par l’ONU. Cette liste était loin d’être la grande favorite, mais elle a probablement convaincu les votants par ses noms plus consensuels que sa concurrente. Ainsi Mohammed Menfi devient président du Conseil présidentiel. Originaire de l’Est libyen, il était auparavant ambassadeur en Grèce, pays duquel il a été renvoyé, fin 2019, à la suite d’un accord de délimitation maritime en Méditerranée entre la Libye et la Turquie qui a ravivé les tensions avec Athènes.

Partager les revenus pétroliers
Le Touareg Moussa al-Koni, réputé pour son soutien à Kadhafi, sera membre du Conseil – un poste qu’il a déjà occupé jusqu’en 2017- ainsi que le député Abdullah Lafi. Abdulhamid al-Dabaiba a, quant à lui, été nommé premier ministre. La nomination de cet habitant de Misrata (fief révolutionnaire de la Tripolitaine) ne devrait pas manquer d’être critiquée puisqu’un membre de sa famille a été accusé d’avoir tenté de soudoyer les membres du LPDF. Stephanie Williams (chef de la mission des Nations unies en Libye par intérim) avait promis une enquête à ce sujet lors de la première rencontre du LPDF en novembre à Tunis.

Face à eux, la liste favorite comprenait deux noms plus conflictuels: Aguila Saleh, président de la Chambre des représentants, le Parlement légitime siégeant dans l’Est libyen, et Fathi Bashagha, actuel ministre de l’Intérieur du gouvernement de Tripoli qui fait face, au sein même de la capitale, à l’opposition de certains groupes armés qui se sentaient menacés par sa volonté de lutter contre les divers trafics (humains, pétrole…). Abdul Karim Sahili, activiste tripolitain qui travaille à l’implication des jeunes au sein du futur gouvernement, se réjouissait vendredi après midi: «Pour préserver le calme dans notre pays, la liste de M. al-Dabaiba est la meilleure option.» Stephanie Williams a, quant à elle, félicité les membres du LPDF: «Vous avez surpassé vos différences et les différents défis durant ce difficile voyage», s’est-elle félicitée.

Gouvernement représentatif
L’équipe élue aura pour principale mission d’organiser les élections générales annoncées le 21 décembre prochain. Pour cela, il lui faudra nommer un gouvernement représentatif des tribus et minorités libyennes. Il devra ensuite prendre des décisions lourdes, telles que l’absorption (ou non) de la dette sauvage, accumulée par Khalifa Haftar et le gouvernement parallèle de l’Est pour mener les combats lancés en 2014 à Benghazi contre des groupes terroristes et révolutionnaires ; ou encore le déblocage – et donc la répartition entre les trois régions historiques – des revenus pétroliers. Tout cela, alors qu’aucun des nouveaux élus n’a abordé de façon concrète ces thèmes. Dans leur présentation, en début de semaine, la plupart se sont contentés de parler de réconciliation et de paix.

L’ONU semble en tout cas décidée à profiter de l’accalmie qui règne depuis la mi-juin «grâce à la Russie (alliée de l’Est, NDLR) et à la Turquie (qui soutient l’Ouest) qui se sont accordées pour partager le gâteau économique», selon Jalel Harchaoui, chercheur à l’organisation Global Initiative Against Transnational Organized Crime. Le Conseil de sécurité a ainsi ordonné jeudi le déploiement d’une avant-garde d’observateurs du cessez-le-feu signé en octobre, qui seront chargés de vérifier le départ des combattants étrangers déployés en Libye.

Estimés à 20 000, ceux-ci sont principalement des mercenaires russes, des soldats turques et des rebelles syriens envoyés en Libye par Ankara. Une annonce qui fait sourire Jalel Harchaoui: «La présence de l’ONU n’a jamais arrêté les guerres. Stephanie Williams est allée à Syrte, à quelques centaines de mètres des mercenaires russes il y a quelques semaines. Ils n’ont pas tremblé.»

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