Le nouveau numéro de la revue bimestrielle «Affaires Libyennes» éditée par le Centre Maghrébin d’études sur la Libye (CMEL) en arabe, français et anglais, vient de voir le jour. Editée avec le soutien de la Fondation Hanns Seidel et dirigée par Rachid Khechana, elle aligne des études historiques et sociologiques sur la Libye contemporaine et les défis internes et externes auxquels elle doit faire face.

Sept articles meublent la partie arabophone de ce numéro (160 pages), dont une étude sur les défis sécuritaires dans le sud libyen, après l’assassinat du président tchadien Idriss Deby. La revue publie également le projet de constitution préparé par la « commission des 60 » regroupant des représentants des différentes régions du pays. Enfin, Jalel Harchaoui nous présente les nouveaux gouvernants de la Libye.

La partie anglophone comporte trois articles portant sur le devenir de la crise libyenne et les enjeux locaux et internationaux qui y interfèrent.

Quant à la partie francophone qui est la plus riche, elle comporte quatre articles d’un très haut niveau signés Hassina Mechai, Moncef Djaziri, Olivier Piot et Kiri Santer.

Dans un article intitulé «Face à l’échec de la «démocratisation» par la guerre, que faire ? », Moncef Djaziri fait le bilan de la guerre déclenchée par les occidentaux contre la Libye, considérant qu’il était désastreux aussi bien pour la population que pour les institutions. Mais y-avait-il vraiment des institutions dans la Jamahiriya de Kadhafi ?

Betty ROULAND et Mounir JARRAYA analysent quant à eux, l’émergence d’un espace de soins transnational et du processus de régionalisation « par le bas » à travers l’étude de cas de patients libyens recourant aux services des cliniques privées dans la ville de Sfax. Si les mobilités médicales des Libyens en Tunisie s’inscrivent dans des logiques de contiguïtés antérieures aux soulèvements populaires de 2011 (géographique, culturelle, politique, historique), l’escalade de violences qui règne depuis lors dans le pays a entraîné une augmentation accrue de la patientèle libyenne et de l’offre de santé privée à Sfax.

Dans la mesure où les données «officielles» s’avèrent en décalage avec les logiques de circulations déployées par les patients libyens, ce papier vise à déconstruire des catégories dichotomiques peu significatives («touriste médical» vs «réfugié»). La méthodologie développée s’appuie sur une enquête par questionnaire auprès des patients libyens (n = 205) dans quatre cliniques privées de la ville de Sfax, ainsi que des entretiens semi-directifs menés avec des professionnels du (para)médical entre 2014 et 2015.

Impulsé par les investissements des professionnels de santé locaux, le développement du secteur privé de santé à Sfax est endogène et repose sur une patientèle provenant très majoritairement de Libye. Depuis les années 1960, l’évolution du contexte géopolitique régional produit des figures migratoires (diaspora, voyageur médical, blessés de guerre, patients transnationaux) et des spatialités spécifiques (échelle transfrontalière, intra-régionale).

Les résultats collectés ont permis d’identifier quatre périodes géopolitiques clés :

(1) la systémogénèse des échanges facilités par la présence de la diaspora libyenne et les accords bilatéraux entre les deux pays;

(2) l’émergence de l’industrie du tourisme médical dans un contexte d’embargo;

(3) la situation de crise de 2011 et l’afflux des blessés de guerre;

(4) l’accroissement des circulations thérapeutiques et l’émergence d’un espace de soins transnational résultant de la guerre en Libye.

 

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