Des touristes européens à Ghadames, en Libye, le 19 octobre 2021. MAHMUD TURKIA / AFP

Pour « casser le mur de la peur » après dix ans de chaos, une agence de voyage a offert un road-trip à une centaine de baroudeurs escortés par des policiers.

Les sirènes des policiers retentissent à travers la ville fortifiée de Ghadames, ouvrant le passage à des dizaines de gros 4×4 transportant des touristes italiens, français, islandais ou suisses. A l’instar des autres villes de Libye, cette oasis bâtie au milieu d’une palmeraie n’avait pas reçu de groupes de touristes depuis 2012, du fait du chaos consécutif à la chute du régime de Mouammar Kadhafi, en 2011.

A la faveur de la fin des combats entre camps rivaux, à l’été 2020, et du processus politique en cours visant à pacifier le pays, Ali el-Kouba, qui dirige une agence de voyage privée, a organisé ce road-trip à travers les vastes étendues du désert pour « casser le mur de la peur chez de nombreux admirateurs du Sahara libyen », confie-t-il à l’AFP. Avec le soutien des autorités, qui ont sécurisé le circuit et fourni des policiers pour escorter le convoi, M. Kouba a « offert gracieusement » le voyage à une centaine de touristes européens, pour beaucoup des baroudeurs aguerris qui connaissaient déjà le pays.

C’est le cas de Jean-Paul, un Français de 57 ans : « La dernière fois [en Libye] remonte à plus de dix ans. Nous avions découvert un pays magnifique, avec des paysages extraordinaires et des gens très accueillants, se souvient-il. Bien sûr, nous avions envie de revenir. Les événements ont fait que pendant dix ans, cela n’a pas été possible, et là on nous a fait savoir qu’on pouvait éventuellement revenir en étant encadrés, en sécurité. Les gens sont toujours accueillants et on sent que les Libyens ont envie de revoir des touristes.»

Ghadames, la « perle du désert »
« Nous voici à Ghadames après dix ans d’absence », renchérit d’une voix enthousiaste l’Italien Giovanni Paolo, coiffé d’un chèche jaune façon touareg. « Nous étions sûrs d’être les bienvenus dans ce merveilleux pays », lance dans un grand sourire ce voyagiste d’une cinquantaine d’années. Arrivé via un poste-frontière avec la Tunisie, le groupe a passé une nuit à la belle étoile avant de s’élancer à la découverte du grand sud libyen, fait de dunes et de rocailles, en passant par la pittoresque Ghadames, l’une des plus anciennes villes de la région pré-saharienne, « perle du désert » située à 650 km au sud-ouest de Tripoli.

Armés d’appareils photo et de smartphones, les visiteurs arpentent en groupe la médina de l’ancienne cité caravanière, avec ses ruelles labyrinthiques peintes à la chaux, ses boutiques d’artisanat et ses maisons traditionnelles renforcées par des troncs de palmiers. Dans la partie nouvelle de cette ville inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, une élégante mosquée à deux minarets se dresse face à des villas cossues au ton ocre ornées de cornes blanches, reprenant les éléments architecturaux typiques de la vieille ville.

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Jean-Jacques Sire, un Français de 67 ans, a découvert en 1994 la Libye, où il a « rencontré une population d’un accueil exceptionnel », avant d’y retourner quatre ans plus tard. « Quand j’ai su qu’il y avait un groupe d’amis qui était prêt à revenir, je n’ai pas hésité », raconte-t-il, barbe blanche et chapeau melon noir sur la tête.

La sécurité demeure précaire
Secteur confidentiel dans un pays où la paix demeure fragile et l’économie dominée par le poids des hydrocarbures, le tourisme avait connu une timide ouverture dans les années 2000. A l’époque, le régime de Kadhafi venait d’entreprendre un retour sur la scène internationale, couronné par la levée d’un embargo onusien en 2003. Des visas de tourisme avaient été émis pour la première fois et un ministère avait été créé. En 2010, 110 000 touristes étrangers avaient visité la Libye, générant 40 millions de dollars (33 millions d’euros) de recettes. Tout s’est arrêté net en 2011.

« L’idée derrière le voyage était de faire revenir les touristes européens, et aujourd’hui ils sont là », se réjouit Khaled Derdera, coordinateur général du voyage, qui veut contrecarrer « l’idée selon laquelle la Libye est un Etat défaillant ». Malgré les avancées politiques des derniers mois, la sécurité demeure néanmoins précaire. La plupart des pays déconseillent formellement à leurs ressortissants de s’y rendre, retardant la relance du secteur.

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