Le chef de l’Etat français souhaite relancer les discussions entre les parrains des forces belligérantes pour avancer sur le chemin de la paix. Mais il est pris dans ses alliances

A moins d’un mois de l’Assemblée générale des Nations Unies, Emmanuel Macron a tenté de reprendre la main sur le dossier libyen lors du sommet du G7 à Biarritz. Problème : le gouvernement du Premier ministre Fayez al-Sarraj juge — visiblement à raison — la France trop proche du maréchal Haftar, l’homme fort de l’Est du pays, pour en faire un acteur crédible.

Les promesses de La Celle-Saint-Cloud, en juillet 2017, sont bien loin. Deux mois après son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron avait convié le Premier ministre Fayez al-Sarraj et le maréchal Khalifa Haftar pour tenter une médiation entre les deux frères ennemis. Deux ans plus tard, le processus est au point mort. Pis : le maréchal est passé à l’offensive pour conquérir la Tripolitaine au début du mois d’avril. Ce qui a provoqué l’entrée de la Turquie dans cette guerre alimentée par les parrains régionaux et occidentaux. Ankara a notamment fourni des conseillers militaires et des drones et protège ses intérêts économiques et l’influence des Frères musulmans dans le processus politique.

A Biarritz, la présidence française a reconnu, pour la première fois, cette responsabilité. « On a réussi… à se mettre d’accord pour arrêter de se battre les uns contre les autres par procuration sur le territoire de la Libye », a confié Emmanuel Macron. Etonnante confidence du chef des armées sans qu’il précise à quel camp allait le soutien français. En fait, la France n’a jamais mis tous ses œufs dans le même panier. La DGSE apporte une aide à la fois au maréchal et au gouvernement Sarraj via son ministre de l’Intérieur, Fathi Bachagha. L’action est officiellement centrée sur la lutte antiterroriste, dans la région du Fezzan comme à l’Est. L’armée française intervient aussi en matière de formation. Mais le clan Sarraj dénonce l’appui apporté au maréchal. Il est à l’origine de la campagne anti-française lancée au moment de l’offensive sur Tripoli.

La politique française est, de facto, dictée par son alliance stratégique avec des pays comme l’Egypte, les Emirats arabes unis, le Tchad et le Niger. Tous ces pays soutiennent le maréchal Haftar. Le Caire ne veut pas d’instabilité à sa frontière et lutte avec Abu Dhabi contre l’influence des Frères musulmans. N’Djamena et Niamey s’appuient aussi sur l’homme fort de l’Est pour sécuriser le sud du pays, à leurs portes. Des rebelles tchadiens trouvent régulièrement refuge en Libye.

« Une trêve ». Tous ces pays ont soutenu, en janvier, l’offensive du maréchal — qui s’est appuyé sur des tribus Zway et Ouled Slimane —dans le Fezzan pour combattre les Toubous. Une paix précaire y existe actuellement. A Tripoli, les combats n’ont pas entraîné de changement substantiel du contrôle territorial. Les troupes du maréchal Haftar ont même été chassées de Gharyan, leur base de conquête de la capitale.

A Biarritz, le G7 a soutenu la mise en œuvre d’« une trêve ». Les participants appellent aussi à la tenue d’une conférence internationale des parrains, en marge de l’assemblée de l’Onu en septembre. Ils apportent de facto leur soutien au représentant onusien, Ghassan Salamé. Ce dernier a besoin d’une impulsion politique pour ensuite lancer une conférence inter-libyenne, préalable à la tenue d’élections.

Rien n’est acquis. Pour la Turquie et l’Egypte, cette guerre devient un conflit de leadership régional. Même chose entre la France et l’Italie. La première est bien plus proche du maréchal Haftar quand la seconde apporte son appui au gouvernement de Sarraj et aux forces de Misrata. Les majors françaises Total et italienne Eni se partagent l’exploitation des principaux champs pétroliers du pays (plus d’un million de barils par jour). « Le pays peut rebondir très vite en cas d’accord de paix, explique un diplomate français. Il n’existe pas de différend idéologique endogène au sein de la population. »

Vendredi, les Occidentaux se sont réunis à Paris pour tenter d’apaiser leurs différends. Ils vont tenter, dans les prochaines semaines, de rassurer la Turquie. Objectif : ramener Sarraj et Haftar à la table de discussions. Un nouveau gouvernement d’union nationale pourrait en sortir ainsi que la mise en place d’un Haut conseil militaire codirigé par les deux hommes.

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