Emmanuel Macron a estimé que la France, à l’initiative de l’intervention militaire de 2011 qui a conduit à la chute de Kadhafi, avait une « dette » à l’égard de la Libye. Prise de conscience historique ou coup politique porté à Nicolas Sarkozy ?

Emmanuel Macron ne rechigne jamais à reconnaître les errements politiques… des autres. En particulier en Afrique. En 2017, alors qu’il était candidat à la présidence de la République française, c’est à Alger qu’il avait qualifié de « crime contre l’humanité » des faits de colonisation antérieurs à sa propre naissance.

Ce 23 mars 2021, dix ans après les événements qui conduisirent à la télé-réalité morbide d’un Mouammar Kadhafi sanguinolent, le président français a lancé l’une de ses analyses lapidaires dont il a le secret : « Nous avons une dette envers la Libye, très claire : une décennie de désordre ». Réservant toujours ses sentences à portée historique à ceux qui veulent les entendre, il s’adressait aux nouveaux dirigeants libyens reçus à l’Élysée.

Sarkozy échaudé
Volontiers paranoïaque, le prédécesseur de son prédécesseur pourrait y deviner un clou supplémentaire dans le cercueil de sa vie politique. Car c’est sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy que fut enclenchée l’intervention française de 2011. Un Nicolas Sarkozy échaudé par l’affaire rocambolesque des infirmières bulgares, ainsi que par le séjour parisien baroque du Guide de la Jamahiriya arabe libyenne.

Quant à l’écheveau judiciaire dans lequel se débat actuellement l’adversaire putatif de Macron à l’élection de 2022, il comprend une mise en examen pour « corruption passive » en rapport avec la Libye, pour « recel de fonds libyens », pour « association de malfaiteurs » et pour « financement illégal » de la campagne présidentielle du candidat de la droite en 2007.

Langue de bois
À l’heure du mea culpa macronien, l’évocation de rancœurs personnelles Sarkozy-Kadhafi ou Macron-Sarkozy ne fera pas oublier que 2011 ne fut pas qu’une mélo-tragédie franco-libyenne. Chacun voyant midi tripolitain à sa porte sahélienne, les observateurs de l’Afrique subsaharienne – en particulier francophone – rappellent l’effet papillon qui suivit l’intervention française en Jamahiriya.

Tout autant que la manne financière du chantre des États-Unis d’Afrique a manqué, pendant cette décennie, à certains chefs d’État de ses amis, la dispersion de combattants en armes dans toute la région du Sahel ne fut pas étrangère à la déstabilisation sécuritaire autour du Sahara.

« DE L’AVIS DE TOUS, IL FAUDRA PLUS QUE DES MOTS SUR LE PARVIS DE L’ELYSÉE »

Depuis l’acte de contrition d’Emmanuel Macron – qui n’est pas sans rappeler celui de Barack Obama en 2016 –, la presse ouest-africaine bruisse de réactions qui oscillent entre « C’est pas trop tôt » et « Fallait y penser avant ». Au Mali, au Niger ou au Tchad, des experts ou des citoyens lambda espèrent que cette prise de conscience d’une France en perte de vitesse dans une Libye productrice de pétrole et rond-point de migrants sera le point de départ d’une quête de stabilité.

Mais, de l’avis de tous, il faudra plus que des mots sur le parvis de l’Élysée. Sahel échaudé craint la langue de bois…

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